Je l'avoue avec beaucoup d'allégresse (car j'aime en général le travail de Riad Sattouf), les réticences que j'avais eues à la lecture du premier tome de "l'Arabe du Futur" se sont vues partiellement dissipées par ce second volume du "journal" de l'enfance de Sattouf. Peut-être parce que je me suis peu à peu habitué à la noirceur univoque de son récit auto-biographique. Plus certainement parce que cette seconde "tranche de vie" est narrée de manière plus fine que la première : centré sur la Syrie (un seul passage en fin de livre en France, pour offrir un contrepoint assez saisissant), le livre est à la fois plus "politique", au point que j'y ai retrouvé un peu des échos des livres de Guy Delisle, dans sa description de l'absurdité du régime syrien, mais aussi de la barbarie de la société (ces "crimes d'honneur", dont l'impunité conclut le livre de manière accablante), mais est aussi plus "humain". La bêtise aveugle du père de Riad, qui condamne sa famille à une vie sans joie, l'absence de rébellion de la part de son épouse, la méchanceté systématique des enseignants, des voisins, des parents en Syrie, se voient contrebalancées par quelques moments de légèreté, de bonheur presque (la découverte de Tintin, le crabe...) qui permettent d'admettre enfin que tout dans la vie n'est pas un cauchemar. Et ce rai de lumière qui perce par ci, par là, change beaucoup de choses au plaisir du lecteur. Il faut aussi souligner que le dessin de Sattouf acquiert dans ce livre une vraie élégance, qualificatif qu'on avait en général du mal à lui attribuer : comme il l'annonce lui-même dans de récents interviews, son admiration pour la "ligne claire" commence à se traduire dans son style, et c'est vraiment un point positif de plus. Au final, même si la lecture de "l'Arabe du Futur" reste un exercice assez déprimant, la richesse des informations qu'il apporte sur un pays et une époque méconnus, et le début de sympathie qu'on se surprend à ressentir pour certains personnages emportent cette fois le morceau. [Critique écrite en 2015]