La première bande-annonce de Spectre, tout en clairs-obscurs et notes éthérées, nous promettait une atmosphère lourde, pleine de tension, chargée de mystères. Des images à la lisière du fantastique qui laissaient présager une plongée dans les méandres goudronneux de la psyché de l’agent 007, dans la continuité incandescente et torturée de Skyfall. Des images qui nous présentaient un espion toujours plus rongé par son passé, en même temps qu’un antagoniste effrayant, sans visage, à la voix vénéneuse. Spectre s’annonçait à la fois comme la suite directe de Skyfall et l’épilogue sépulcral de l’ère Daniel Craig.


Des promesses jamais tenues, sinon en surface, lorsque l’on découvre le film dans son intégralité. Une déception colossale qui s’érige à l’encontre de tous les codes pourtant brillamment réinventés dans Skyfall. Un scénario décousu, criblé de longueurs, de facilités et d’incohérences, dont l’ambition – toute factice – est de confronter Bond au génie du mal Blofeld, ennemi légendaire déjà croisé sous le règne de Sean Connery. Incarné par un Christoph Waltz en mode automatique, Blofeld dirige une organisation criminelle planétaire qui se révèle être à l’origine de tous les malheurs de l’agent secret depuis Casino Royale. Argument scénaristique dont la vanité n’a d’égale que sa tardive artificialité. Le Chiffre, Mr White, Dominic Greene, Raoul Silva, tous les adversaires de Bond étaient liés au Spectre, à ceci près que cette connexion n’est montrée dans le film que par un jeu de photos sur l’ordinateur de Q et dans une scène finale improbable, digne d’un épisode de la saga Saw, exhibant les portraits des vilains dans des cages de verre. Quid d’un flash-back réunissant en chair et en os Mads Mikkelsen, Mathieu Amalric, Javier Bardem et Christoph Waltz pour révéler les coulisses troublantes d’un plan machiavélique ? Il n’en est rien. La faute à une intrigue famélique, paresseuse, sous-exploitée, véritable catalogue de clichés du film d’action de série B sacrifiant la construction de ses personnages et de ses enjeux (les mêmes que ceux du bordélique Terminator Genisys) sur l’autel d’un conformisme formel de tous les instants.


On rêvait d’une femme fatale iconique incarnée par la sublime Monica Bellucci. Spectre la relègue au rang de personnage anecdotique dont la présence à l’écran ne dépasse pas cinq minutes. On rêvait d’un affrontement titanesque entre James Bond et sa némésis. Spectre expédie leur confrontation à travers une séance de torture maniérée et une explosion gigantesque, dont Blofeld réchappe, on ne sait comment, avec seulement un œil balafré. On rêvait d’un générique tutoyant la noire flamboyance, la puissance nonchalante de celui de Skyfall. Spectre nous balance à la figure une compilation d’images numériques hideuses, nimbées d’un kitsch publicitaire et affublées des minauderies périssables de Sam Smith. C’est à peine si l’on retiendra la maestria visuelle d’un plan séquence inaugural dans les rues de Mexico, la sèche brutalité d’un combat à mains nues dans un train contre un sbire marmoréen ou la majesté sporadique de la photographie signée Hoyte Van Hoytema (Interstellar). Si l’on rêvait d’une péroraison phénoménale à l’arc narratif amorcé il y a presque dix ans par Casino Royale, Spectre ne nous donne à voir qu’un film d’action standardisé, banal et bancal, bavard et longuet, sagement divertissant, le fantôme harassé du grand finale qu’il promettait d’être.


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le 1 déc. 2015

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