Cent dollars pour un shérif

Cela faisait longtemps que je voulais revoir ce film. J'ai le DVD des frères Coen qui m'emballait moyennement alors que j'avais un bon souvenir du western de Hathaway. Et on vient justement de me l'offrir !
Ce western c'est le rendez-vous des papys en 1969 : pour Hathaway , c'est l'avant-dernier western deux ans avant "Shoot out" et pour John Wayne, on atteint la dernière ligne droite.
Mais pour l'un comme pour l'autre, faut quand même avouer qu' il y a de sacrés beaux restes qu je vais détailler.

Le scénario est tiré d'un roman "True Grit". La jeune mais opiniâtre Mattie Ross est la comptable de la ferme de son père assassiné par un des employés de la ferme. Elle décide d'embaucher un vieux Marshall Cogburn pour retrouver et punir le coupable qui s'est réfugié dans une réserve indienne.
Le film est donc l'histoire de la confrontation entre la jeune fille et le vieux John Wayne qui va conduire à un respect et une admiration mutuelle.
Le rythme du film est plutôt lent mais le tempo est en adéquation avec l'histoire qui comprend la partie de négociation et d'adhésion de Cogburn à l'objectif de Mattie puis le voyage vers la réserve indienne et la recherche des bandits.
La mise en scène des personnages dans les splendides paysages américains est déjà une réussite du réalisateur. Il faut noter quelques scènes anthologiques par exemple, celle où John Wayne flingue dans chaque pogne et mors aux dents affronte à lui tout seul quatre bandits ...

John Wayne joue le rôle du vieux Marshall, un peu à contre emploi du John Wayne habituel fringant, sûr de lui-même. A contre-emploi ? En fait pas tant que ça car on retrouve tous les défauts et qualités de l'acteur plus jeune mais juste dégradés : il ne crachait pas sur la bibine dans son jeune temps sans que ça se voit, sauf que là, ça se ressent sur son physique un peu fatigué, un peu bedonnant au point qu'il en tombe de cheval ; il était fort en gueule, rigoureux, sévère dans son jeune temps sauf que là les qualités se sont émoussées et il est devenu moralement plus "souple" et un tantinet braillard pour compenser ; il était beau et fringant plus jeune, ici les blessures de ses bagarres finissent par se voir car il est désormais borgne et souffle après un effort et on pourrait continuer à l'infini.
La composition du personnage jouée par John Wayne est justement remarquablement travaillée. Il cabotine, disent certains ? Mais c'est juste ce qu'il reste à un vieux qui sait bien que la vie ne repasse jamais les plats et qui veut encore "paraître".
Oui, pour moi, son (unique) oscar pour ce film est loin d'être volé !

Kim Darby joue le rôle - ingrat - de Mattie que d'aucuns trouve insupportable. Mais c'est justement le rôle de "fine mouche du coche" que doit jouer cette jeune fille (l'actrice a 22 ans tout de même ...). Il faut qu'elle soit crédible face à ce vieux machin de Cogburn, que diable ! Il faut qu'elle parvienne à se hisser à la hauteur de John Wayne et c'est en faisant l'assaut de la citadelle en permanence qu'elle va gagner ses galons. Et elle y arrive.
Son personnage ne pouvait ni être mièvre ni être une grande gueule. Il fallait du contraste et il fallait être convaincant : le personnage de Mattie n'avait guère d'autre choix que d'être intraitable et opiniâtre avec ses interlocuteurs.
Il y a un second degré extraordinaire où elle lance des piques avec un humour à froid qui finissent par percer et atteindre John Wayne, où elle marque point après point.
A la fin, elle a largement gagné aux points et c'est beau de voir le vieil ivrogne, cupide, malodorant (je suppose), borgne, braillard se démener pour sauver Mattie qui est blessée car il l'a enfin reconnue comme étant de sa trempe. Et on peut remarquer à la toute fin qu'elle est devenue douce et tendre avec Cogburn où elle se permet encore de lui balancer quelques scuds que Wayne prend avec philosophie.

Parmi les autres personnages remarquables, Robert Duvall qui est un acteur que j'apprécie toujours, ici dans un petit rôle de bandit, d'accord, mais un bandit qui laisse entrevoir une once d'humanité. Il ne pouvait pas en être autrement.

"Cent dollars pour un shérif" est un bon western, efficace et bien travaillé, qui est un mélange assez subtil d'action, d'humour et d'émotion