Devenu une référence plus de 15 ans après sa sortie, "10e chambre, instants d'audience" est le 18e documentaire de Raymond Depardon et qui retrace 12 affaires se déroulant dans la 10e Chambre Correctionnelle de Paris. Celles-ci étant multiples, on a droit à tous types de cas (conduite en état d'ivresse, trafic de drogue, vandalisme...), avec même par certains moments des cas similaires. En effet on se retrouve durant ce documentaire face à 2 personnes ayant été sanctionnés pour conduite en cas d'ivresse, ce qui ne représente pas le délit le plus important quand on fait face aux autres affaires. Pourtant ici la comparaison entre ces 2 cas n'est pas inutile, car même si dans les 2 cas on fait face à des personnes ne niant pas les faits on se retrouve néanmoins confrontés à 2 argumentaires différents, l'un ne cherchant pas à se défendre de manière virulente et acceptant sa sentence, et l'autre se débattant dans des excuses peu convaincantes, rejetant la faute sur autrui et faisant preuve d'insolence envers le juge. On n'est ainsi pas étonnés de voir que la sentence pour ce dernier cas est plus importante que chez le 1e et même mieux, on l'attendant, on le voulait.

Quelle est la grande force de ce documentaire ? De faire de nous les juges de ces personnes qui racontent leurs cas, voire même des fois une partie importante de leurs vies. C'est par cette mise en scène très sobre et qui ne change jamais qu'on se place au-dessus de ce qui se passe, c'est parce qu'on pose un regard critique sur ces hommes et femmes face à la justice mais aussi sur cette juge qu'on voit pendant 1h40 face tous ces cas qu'on finit par penser les sentences et vivre l'affaire.

Mais ce documentaire fait aussi un choix, celui de nous impliquer dans tout ce qui se passe et de ne jamais nous mettre à l'écart de l'action, et pour cela le montage est roi dans ce domaine. En effet ce n'est pas pour rien si des cuts sont effectués quand le juge a une réaction virulente parce qu'un homme lui manque de respect, ou bien qu'un gros plan sur un homme est fait alors que son ancienne femme parle des tortures qu'il lui infligeait et du harcèlement qu'il n'arrête pas d'exercer sur elle. Pourtant la 1e fois qu'on voit cette personne on serait tenté de se dire que c'est quelqu'un de "normal" car il a des lunettes, une belle chemise et un regard presque timide, pourtant les déclarations sont bouleversantes de vérité, et la déclaration de l'avocat du jeune homme derrière n'en est que plus déchirante, marquant la frontière entre décision humaniste et décision rationnelle.

Ce documentaire n'est pas moralisateur, il ne condamne en aucun cas ce qu'il montre, mais il nous met face à nos propres principes, simplement via une caméra qui montre des personnes qui parlent et qui veulent se défendre, qui veulent vivre, et des décisions qui parfois les en empêchent, nous laissant alors en colère ou dans une indifférence qui ne va vous marquer que par sa froideur, cette froideur que vous êtes capable d'exprimer face à la condamnation d'un être humain qui n'a, sans doute, rien fait de tout ce pourquoi il est accusé.

NocturneIndien
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le 20 mars 2020

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