Voici un bel exemple de petit film intelligent qui remplit parfaitement son office, divertir sans prendre son spectateur pour un âne. Quand souvent, lorsqu’il est question de petite trame manipulatrice, cette dernière se voit engraisser de tout un tas d’artifice histoire de noyer 4 fois le poisson, ici rien de tout cela, Gilles Grangier a confiance en son script et va à l’essentiel. Résultat, en 1h20 à peine, il boucle son histoire et réussit à surprendre la petite paire d’yeux qui n’a pas forcément cherché à découvrir le pot aux roses.


Alors, c’est certain, pour divertir son audience, Grangier dispose d’un atout en or massif à savoir un Ventura dopé à la bonne bouffe qui met en marche son charisme légendaire dès sa première apparition et en sera quitte pour un Lino show magistral jusqu’à la fin. En guise de petite diversion au tour de magicien qui se prépare, on ne fait pas mieux. De quoi se laisser berner avec le sourire et en redemander. D’autant plus que le bougre est entouré de seconds rôles croustillants, à l’image de Jean Desailly qui trouve la partition parfaite pour jouer un petit commissaire vif d’esprit qui sert de trait d’union taquin entre mystère et résolution.


Mais si 125 rue à Montmartre est si efficace, c’est parce qu’il est rondement écrit, ni plus, ni moins. L’exposition est un modèle du genre, efficace en diable. En une quart d’heure à peine tous les enjeux sont posés, les personnages n’ont plus de secret pour personne, les règlements de compte peuvent alors se mettre en route à un rythme effréné jusqu’au dénouement.


Et puis, cerise sur le gâteau, Audiard est aux dialogues, et c’est un véritable festival. Ventura s’en donne à cœur joie et malmène ses cordes vocales pour rendre hommage à ce maître qui lui a tant de fois nourri le gosier en punchline fleuries. Le voir bousculer cet homme enfant qui lui est tombé sur le coin de la goule, c’est un vrai plaisir pour tout amateur d’argot typé vieille France. Une intonation, un débit de parole, une manière de jouer du verbe de vieux bandit qui dériderait n’importe quelle vieille rombière.


En bref, si je comprends qu’on puisse trouver ce 125 rue Montmartre gentiment anecdotique, efficace mais pas forcément marquant, il m’a pour ma part réellement enthousiasmé, le père Lino y est sans aucun doute pour beaucoup comme mon admiration sans faille pour la plume chantante d’Audiard. Le genre de petite bobine qui file la banane et donne envie d’en enquiller une pelletée d’autres.

oso
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le 21 janv. 2016

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