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Consensuel et académique, 12 years a Slave m'a interloqué. "People's Choice Award" du dernier Festival de Toronto, le film fait la course en tête pour les prochains Oscars. Voila ce que j'avais en tête en entrant en salle. Après une heure de séance, je me suis demandé... pourquoi ? Pourquoi reçoit il des prix ? Pourquoi plait il aux critiques ? Pourquoi semble-t-il si bien parti pour les Oscars ? Après 2 heures de film, au sortir de la salle, j'ai du me résigner : ah oui, c'est donc ça les Oscars. J'avais presque fini par l'oublier : une cérémonie pleine de bons sentiments, où les films désignés sont souvent les plus fédérateurs, voir consensuels. De quoi sortir de la salle en perdant toutes ces illusions sur ces cérémonies.

Pourtant, j'aime beaucoup les films sur l'esclavage. Je trouve que ce thème donne de chouettes films, où se mêle l'injustice, la rébellion, le désir de liberté, savoir braver l'interdit, savoir donner sa confiance, l'amitié, bla bla. Bref, c'est un chouette thème, qui s'harmonise très bien avec les valeurs du cinéma hollywoodien, qui sont finalement un peu similaires. Et puis chez nous en France, nous avons plus le nazisme comme plaie ouverte, c'est beaucoup plus sombre, et la fin se termine généralement moins bien.

Le synopsis était pourtant original. Car quoi de pire que naître esclave et chercher à gagner sa liberté pendant tout un film, si ce n'est devenir esclave, après avoir connu la liberté, et tenter durant tout le film de la reconquérir ? Là, on sent le héros malchanceux du tout au tout, on sent qu'on va en chier avec lui à découvrir les affres de la vie menottée, passé dans les champs, brinquebalé de maître en maître, avec la lueur d'espoir au bout du tunnel. Car 12 Years A Slave a tout dans le titre : 12 ans après avoir été enlevé et vendu comme esclave, le héros recouvrera sa liberté.

Surfant sur cette spécificité, je m'attendais à un angle de vue original d'un homme normal apprenant à courber l'échine devant son propriétaire, se retrouvant parmi des esclaves qui n'ont connu que cette condition, un homme éduqué sachant lire et écrire, violoniste de talent pouvant répondre à ces maîtres, un homme de la ville souvent plus éduqué que ces derniers, rattachant le film aux plus grands duels maître-valet. Le valet doit savoir se mettre à la botte du maître tout en l'amenant à faire et à décider ce qu'il veut. Le valet doit cacher son intelligence d'esprit pour laisser son maître barbare et gauche dans l'ignorance et l'illusion de sa supériorité sur tous les points (intelligence, vivacité d'esprit, le paraître et le bien-parler). Le valet doit savoir jouer du maître. Ici, le sujet est évoqué mais rapidement dissipé par un acolyte esclave, lui aussi enlevé, décidant de se rebeller contre ses geôliers. La sanction est immédiate : la mort. Verdict : ne pas se rebeller, et arrêtez de nous emmerder avec ça. Sujet suivant.
Le constat d'un homme devant se réduire indéfiniment à sa nouvelle condition, comme Robinson arrivant sur son île : comment garder souvenir de sa vie passée, si ce n'est écrire vaguement le nom de sa femme et de ses enfants sur le violon qu'un maître généreux lui donnera ?
L'espoir d'un esclave qui a plus de chances que les autres de s'en sortir, une carte dans sa manche qui peut lui rendre sa vie passée : dans l'état de New York, il est un homme libre : durant sa vie d'esclave, rencontrera-t-il un homme assez bon qui prendra le risque d'avertir sa famille ?
Finalement, toutes ces petites différences du film d'esclavage classique seront peu évoquées. Le principal reste le voyage de cet homme déplacé de plantations de coton en plantations de canne à sucre, d'un propriétaire compréhensif mais impuissant, à l'adjoint crapuleux, au propriétaire autoritaire. Les scènes sont communes, on a l'impression de revivre n'importe quel film traitant de l'esclavage. Pire, les rôles semblent tellement orientés et taillés à la serpe que les acteur peuvent difficilement créer de la profondeur dans des personnages dont chaque fait et geste semble logique : Paul Dano est un adjoint ignoble et persécuteur (tellement évident), Benedict Cumberbatch joue le propriétaire compatissant qui ne tardera pas à revendre notre héros, et forcément, Brad Pitt joue le rôle du sauveteur (tellement évident, comment ne peut-il qu'être lisse) pour une scène de 3 minutes. Quelque soit le talent et l'implication des acteurs, seule la relation de couple entre Fassbender (deuxième propriétaire du héros) et Sarah Paulson sera intrigante et sortira un peu des sentiers battus : sa femme est jalouse d'une esclave, et tentera de l'anéantir, tandis que Fassbender repoussera chaque fois les ultimatums de choix de sa compagne.

La réalisation est du même acabit : lisse, calme, et sans aucune aspérité. Les scènes se succèdent, sans génie, peut être avec un ou deux risques dans le montage, pour le plus grand mépris de nos rétines (le fondu noir pour re-ouvrir sur une vue ensoleillée d'une récolte de coton, aie ça flashe). Et surtout un montage qui expédie carrément l'histoire du héros : les 10 premières minutes racontent sa vie d'avant, et son enlèvement. Les 2 dernières racontent sa libération. Tout le reste est destiné à ... un film de série B sur l'esclavage, avec des situations anodines de n'importe quel film d'esclave, des rôles taillés à la serpe et des récoltes de coton à n'en plus finir.
L-AmeRickain
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le 29 janv. 2014

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L-AmeRickain

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