Premier raté pour le réalisateur…
J'avais aimé Hunger et Shame mais ce 12 years a slave je ne le sentais pas du tout et ceci pour plusieurs raisons. Déjà nommé aux oscars autant de fois, c'est limite un aveux de médiocrité, mais il serait sot de s'attarder là-dessus, après tout peut-être qu'ils ont visé juste ce coup ci. Mais le fait que les cahiers viennent cracher sur le film n'aide pas (surtout qu'ils ont aimé Hunger). Le pire restant le fait qu'un noir réalise un film sur l'esclavage. Pas que je veuille interdire un tel sujet, ça serait idiot aussi, mais disons que tu sens le misérabilisme à plein nez avec les violons, l'histoire vraie adaptée d'un bouquin et tout le pathos gerbant qui va avec et le mec qui va te raconter ça comme s'il était lui-même esclave. En tous cas ça ne m'intéresse pas de voir ça. Comme il y a quelques années la couleur des sentiments (présent aux oscars et étant une merde infâme). Après bien sûr on ne peut pas définitif là-dessus étant donné que McQueen n'est pas un tocard et que des réalisateurs ont réussi à le voir genre Kechiche avec sa Vénus Noire.
Le problème avec le sujet c'est que j'ai l'impression qu'on vise sans arrêt à vouloir culpabiliser, comme si nous mâles blancs étions responsables de ce qui s'est passé à l'époque et ça me gène. Alors bon McQueen est plus malin que ça, mais quand même.
Parce que franchement le film n'a aucune raison d'être. Les cahiers parlaient d'un film au filmage si conventionnel qu'on "s'attend à trouver le nom d'un artisan hollywoodien au générique". Ce n'est pas tant le "filmage" qui me pose problème, mais j'y reviendrai, mais simplement l'intérêt du film ? Le film veut montrer quoi ? que l'esclavage c'est pas bien ? Sans déconner ? Mince, du coup mes petits chinois qui pédalent pour mon électricité c'est pas bien ? sérieusement ?
Le film montre exactement ce que l'on s'attend à voir, un long film, trop long, qui raconte des années d'esclaves. Et là encore je rejoindrai la critique des cahiers, mais bordel, on n'a pas l'impression que ça dure 12 ans, personne ne vieillit, les ellipses on ne comprend pas combien de temps se passe : 1 jour, 1 semaine, 1 mois, 1 an ? et à la fin on a l'impression que ça a duré 1 an. Bon il a eu quelques cheveux gris sur la fin, mais c'est tout.
Beaucoup on critiqué la vie d'Adèle sur ses ellipses, mais ses ellipses s'il n'y avait pas de carton indicatif, tu comprends après 2 min quand tu es, par les dialogues, des indices, là tu ne sais rien, hop, comme si c'était le lendemain.
Du coup on a cette impression de platitude absolue. Alors on a bien quelques tentatives de McQueen pour faire de la mise en scène, il a de bons acteurs (sauf Brad Pitt, mais j'y reviendrai), mais il ne peut pas donner du corps à cette histoire dont on se fiche. Le dernier Tarantino avait un peu d'audace pour jouer avec les genres, etc. Là c'est juste un film d'esclavage et qui a pour seule qualité d'être assez bien fait.
Par exemple il y a une séquence plutôt pas mal à où le héros est lassé sur place après une tentative de pendaison. Et la séquence dure, mais contrairement à Hunger, il ne la fait pas en plan séquence. Le mec ne se sert pas de ses qualités de mise en scène pour justement faire passer un propos ou quelque chose.
Idem lors de la scène du fouet à la fin, un plan séquence, mais au lieu de se dire : ok je pose ma caméra, il a fait tourner autour du sujet. Du coup il va se permettre des gros plan, le misérabilisme tout ça, au lieu de justement mettre peut être cette distance qui aurait été nécessaire et histoire d'impliquer le spectateur autrement que par des procédés que je trouve assez dégueulasses.
Après les plans sont beaux, là n'est pas la question, mais ce qui en résulte qui ne l'est pas, c'est opter pour la facilité, comme si son sujet n'était pas émouvant à la base, comme s'il n'y croyait pas.
Au niveau de la construction des personnages c'est pas trop mal, moins manichéen que je ne le pensais, mais ça le reste quand même. J'aime par contre un moment d'ambigüité pour le héros où il reste passif et finit par détourner le regard lui qui au début était si prompt à vouloir se révolter. Du coup on comprend l'évolution du personnage.
Par contre le personnage de Brad Pitt, mais c'est quoi ça ? Un caprice de producteur ? Le mec s'est offert le beau rôle, un mec qui prône l'égalité noir/blanc (je me demande si ce n'est pas un peu anachronique), il le surjoue avec un accent dégueulasse. Franchement c'est incroyablement mauvais.
Par ailleurs, je tiens tout de même à dire que plutôt que de traiter de l'esclave qui est réglé depuis plus d'un siècle, pourquoi ne pas parler plutôt de la ségrégation sociale qu'il peut y avoir avec les phénomènes de ghettoïsation. Parce que si les noirs ont un problème maintenant ce n'est pas l'esclavage, c'est un problème social, là on pouvait prendre parti, dire des choses. Là avec son 12 years a slave à part dire des banalités il n'y a pas grand chose.
Et je pense que justement 12 years a slave est bien accueillit parce que les bienpensants s'achètent une conscience "oui dénonçons le racisme et l'esclavage" en passant outre les défauts du film. Or c'est un problème réglé le racisme, plus personne n'est raciste, c'est reconnu et tout. Or quand un film comme The Lone Ranger est poussé au bide alors qu'il est franchement pas immonde et qu'il expose à l'Amérique le fait qu'elle s'est battit sur un génocide, là tout de suite on va pleurer au navet simplement parce qu'il n'y a pas eu de Lincoln pour les racheter là-dessus. C'est un sujet qui va diviser.
Tout ça pour dire que finalement ce blockbuster un peu boursouflé qu'est the lone ranger est plus intelligent et plus intéressant dans sa dénonciation qu'un truc fade et convenu comme 12 years a slave, parce que tout simplement ça n'était pas attendu et c'était osé. Dénoncer l'esclave ce n'est plus osé. Donc du coup il reste quoi au film ? Ses acteurs, quelques beaux plans (et encore ça se discute).
Tant qu'à aborder le racisme, vaut mieux parler de xénophobie à la façon d'un Dumont dans la vie de Jésus où le racisme c'est quelque chose de latent en chaque individu, la peur de l'autre, de ce que l'on ne connaît pas. On est tous xénophobe, c'est normal. Ou bien de jouer l'ambigüité sur le plaisir que prend "l'esclave" comme dans Vénus Noire.
Bref des tas de films bien mieux sur le sujet !
12 years a slave inutile de se déranger.