Superbe tour de force de Sydney Lumet qui signait là son premier film. Mais plus qu'une prouesse technique et artistique, c'est aussi et surtout un magnifique uppercut bien placé sous le menton des défenseurs de la peine de mort.

On assiste pratiquement en temps réel aux délibérations de douze jurés en passe de statuer sur le sort d'un jeune homme homme de couleur (détail qui a son importance) à peine âgé de 18 ans, qui est accusé du meurtre de son père.
Sous une chaleur torride, dans une pièce exiguë, un homme, (Henry fonda) va exprimer ses doutes sur la culpabilité du garçon face à une assemblée de onze bonhommes d'origines sociales diverses et variées (pas de femmes dans ce panel de l'Amérique de la fin des fifties) qu'il va tenter de gagner à sa cause.

Douze hommes en colère est ce qu'on peut sans exagérer appeler un classique de mise en scène. Le huis clos ultime, dont juste la scène d'ouverture, qui nous permet de mettre un visage sur l'accusé, et celle de clôture, qui elle nous donne le nom du héros, se déroulent hors de la salle des délibérations. Sur la base d'un scénario extrêmement carré, Reginald Rose, son scénariste, s'avérant un allier de qualité, Lumet va combiner avec classe une ambiance oppressante induite par le huis clos, et un suspense tendu, un système qui non content de tenir plus d'une heure vingt sans me barber - on assiste quand même à un interminable débat entre douze gars indécis - finira même capter toute mon attention .

Tout ici est affaire de précisions...
Précisions de l'enquête qui font défauts, précisions dans les caractères de chaque juré dont les rôles sont joués merveilleusement par chacun des acteurs. Mais aussi précisions dans la mise en scène, qui tient en haleine le spectateur . En effet, quand l'issue semble inéluctable, que le suspens tend à retomber, Lumet s'amuse à recadrer l'ensemble de ses plans qui initialement embrassaient l'ensemble de la salle, pour les resserrer au plus près des visages protagonistes, créant un surplus de stress du meilleur effet. Une idée géniale qui atténue le contre coup d'un final plutôt téléphoné, du moins une fois la deuxième partie du film entamée.

Les questions qui reviennent immanquablement tout au long de ce film sont lourdes de sens : comment être à ce point sûr de la culpabilité d'un homme pour décider de sa mise à mort ? Comment prendre une telle décision , sans qu'interfère une quelconque implication personnelle ?
Par son sens du dialogue, une science précise du cadrage et son goût du détail, Sidney Lumet apporte avec ses "Douze Hommes en colère" un éclairage à part, jouant avec malice de chacune des individualités en présence.

Une belle réussite qui cinquante ans plus tard résonne encore plutôt bien, nous rappelant que la cause abolitionniste a encore du pain sur la planche.



goummo
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le 3 nov. 2010

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