À une époque où les cachets des stars se comptent parfois en dizaines de millions de dollars (il n'est pas rare que cela oscille entre 20 et 30 millions pour les mastodontes), comment ne pas s'émerveiller du génie de Lumet ?

Certes le contexte n'est pas le même, le cinéma a évolué, mais faut être franc, aujourd'hui pour $340 000 t'as plus rien.

Eh ben en 1957 pour ce prix-là, on a droit à un film éblouissant.
Désarmant de simplicité, impressionnant de finesse et de profondeur, Douze hommes en colère explore les méandres de l'âme humaine, la psychologie comparée de ces jurés qui vont, le temps d'une délibération, se livrer sous l'oeil de la caméra et donc du spectateur, à un ballet d'argumentations, de revirements qui je dois bien le dire laissent un peu perplexe sur la notion de justice et de conviction personnelle.

Ce huis-clos présente en effet pour moi deux facettes.
L'une est la force nécessaire pour affirmer ses opinions, et la difficulté de les maintenir face à un auditoire hostile.
La louable intention de sauver un innocent si le moindre doute persiste, et la tentation d'user de tous les moyens pour ce faire.
Mais le revers de la médaille, c'est cette réflexion sur la manipulation.
Ou comment un seul homme, pour peu qu'il ait quelques éléments contradictoires et un certain talent oratoire, pourrait peut-être changer le cours des choses.

Douze hommes en colère n'apporte pas de réponses, ne délivre aucune leçon ni certitude.
Il met juste en lumière la pertinence de la notion de "doute légitime", et par l'accumulation de simples détails, parfois insignifiants, suggère ce que peut être la réalité d'une salle de délibération.
Le spectateur ne dispose d'aucune clé pour prendre parti pour l'un ou l'autre camp, ce qui sert habilement le propos, et permet une connivence certaine avec le choix cornélien laissé à ces hommes (oui, aucune femme ne sera visible de toute le film, c'est notable).

Un chef d'oeuvre psychologique, juste quelque peu desservi par une fin légèrement prévisible, mais comme c'est le cas parfois, le chemin importe davantage que la destination.
Empruntez celui-ci avec confiance, vous ne le regretterez pas.
SeigneurAo

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