Un jeune homme est accusé du meurtre de son père. Douze jurés se retirent pour décider, à l'unanimité, s'il est coupable ou non. S'il est estimé coupable, il sera condamné à la chaise électrique. Onze jurés pensent qu'il l'est, un seul a de sérieux doutes et l'estime non coupable. Et il va tenter d'expliquer aux autres jurés son point de vue, en remettant en question les accusations mais aussi les jurés eux-mêmes.
Si ce film est aussi plébiscité aujourd'hui, ce n'est pas pour rien. Sidney Lumet signe avec Douze hommes en colère ce qui se fait certainement de mieux en terme de huis-clos. Pendant près de 90 minutes, on ne voit presque rien de plus que douze jurés débattant autour d'une table sur le sort d'un présumé coupable de parricide, tout cela avec la minutie d'une pièce de théâtre.
La mise en scène immerge facilement dans le film, si bien qu'on jurerait que tout se déroule sous nos yeux en temps réel, Sidney Lumet tire profit de son décor simple pour créer une tension qui ne faiblit jamais. Le jeu des acteurs aide également beaucoup à la réussite du film. Si c'est évidemment Henry Fonda qui domine le jeu à plusieurs reprises, les onze acteurs campant les autres jurés ne sont pas mis à l'écart pour autant.
En effet, chaque juré finit par avoir son mot à dire dans cette histoire. Tous sont mis sur un même pied d'égalité, aucun n'est nommé (si on exclut la toute dernière scène) ce qui permet aux spectateurs de s'identifier à chacun d'entre eux. Ce sont tous des hommes ordinaires, qui doivent décider du sort de quelqu'un. Chacun a sa raison qui le pousse à choisir un camp, qu'elle soit valable ou non. Aucun n'est laissé sur le banc de touche. Absolument rien n'est laissé au hasard, Sidney Lumet étoffe le caractère de chacun pour faire en sorte qu'ils ne se ressemblent pas. L'un choisit de croire à la culpabilité du suspect par simple préjugé, l'autre change de camp simplement pour en finir avec cette histoire... On finit par s'intéresser plus aux personnages qu'à l'affaire. Il y a ceux qui prennent l'affaire au sérieux, et ceux qui veulent passer à autre chose.
Par le biais de ces personnages, le réalisateur pointe du doigt tout un système. Douze hommes tout ce qu'il y a de plus lambdas qui doivent décider du sort d'un autre homme. Que ferions-nous à leur place ? A l'opposé, supposons que nous nous retrouvions à la place de l'accusé et que notre sort soit décidé par douze hommes lambdas ? Sidney Lumet renforce son propos à l'aide d'une simple chose : le doute. Le suspect est-il coupable ? Nul ne le sait, mais personne ne sait aussi s'il est innocent. "Je ne sais pas" revient souvent dans les dialogues. Certains des jurés nient d'être dans le doute et laissent croire qu'ils sont persuadés de leur opinion. Mais lorsque Henry Fonda apporte de quoi remettre les témoignages et les accusations en question, le doute est mis sur le tapis et nul n'en réchappe. Douze hommes en colère cherche à remettre en cause notre faculté de juger d'autrui, ainsi que de montrer qu'il ne peut y avoir de coupable sans jugement valable.
Véritable tour de force qu'est le premier film de Sidney Lumet, Douze hommes en colère est non seulement un huis-clos étouffant et prenant de bout en bout mais aussi un film brillant au message pertinent sur le point de vue des hommes par rapport à la justice. Dans le fond comme dans la forme, une œuvre qui marque au fer rouge.