Ayant eu un ami interné un temps au Vinatier, et lui ayant rendu visite dans les lieux mêmes où se déroule le film, j'étais curieux de voir ce 12 jours. Certes, cet ami était loin d'être un cas lourd comme la plupart de ceux que nous montre ce nouvel opus de Depardon. J'ai néanmoins retrouvé cette ambiance d'ennui qu'expriment très bien les plans du Vinatier, notamment la scène du vieux qui tourne en rond sur une assez belle musique de Desplat.
Pour ce qui est des entretiens, j'ai été tout simplement sidéré par quasi tous les "fous" qui nous sont présentés. Il se dégage de chacun d'eux une force et une vérité qui justifient complètement la citation de Foucault mise en exergue. Cette pleine et entière humanité, car dépouillée de toute convention sociale, tranche avec l'attitude des juges : pas du tout des salauds, plutôt bienveillants, mais des humains comme on a l'habitude d'en voir, inconsciemment bridés par la bienséance ou le professionnalisme.
C'est là que le film de Depardon réussit un tour de force : nous faire voir que la vérité de l'humain est à chercher chez ces gens-là. Le film existe pour cette galerie passionnante de portraits, pas pour démontrer une quelconque thèse sur l'institution judiciaire. Du moins peut-on le souhaiter car il y aurait sinon fort à critiquer : tous les cas montrés confirment l'internement (un seul mis en délibéré donc en suspens) et on en ressort en se demandant pourquoi les malades plaident leur cause puisque le juge ne tient compte que de l'avis des psychiatres ! Oh, ils sont très compréhensifs, très à l'écoute, mais pour ne finalement pas tenir compte de ce que peux dire le principal intéressé, souvent traité comme un enfant (les avocats semblent tout aussi inutiles). Or, un texte lu sur SC affirme que dans de nombreux cas les internements ne sont pas renouvelés. Troublant : pourquoi Depardon n'a-t-il pas présenté une version plus équilibrée des faits ?
Voilà sans doute une faiblesse du film, mais l'essentiel pour moi n'est pas là : il est dans cette dizaine de personnes qui m'ont remué par leur détresse comme par leur authenticité. Au passage, le film pose quand même quelques questions. Par exemple : pourquoi une société qui, de + en +, penche pour la légalisation de l'euthanasie, refuse-t-elle à cette femme le droit de se suicider ? Comment justifier la toute puissance des psychiatres ? Il semble clair que laisser voir son enfant à cette jeune mère ne pourrait que l'aider à retrouver un équilibre. On passe aussi souvent à côté de ce qui a plongé ces gens dans une forme de folie : le harcèlement au travail (pas vraiment pris au sérieux) où le viol (à aucun moment la juge ne demande si elle a porté plainte contre ses multiples agresseurs).
Un film qui touche et fait réfléchir. C'est beaucoup, non ?
7,5