Une balade qu'elle est belle.

1917 est un film que j'attendais beaucoup après avoir vu la bande annonce et su que le film nous promettait une ballade de 2h en un seul plan séquence. De plus à la musique et à la photo on retrouve Thomas Newman et Roger Deakins qui ont déjà bossé avec Mendes pour la plupart de ses films. Deakins m'intéressait tout particulièrement parce qu'il a dirigé la photo du film au titre court et accrocheur qu'est «l'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » qui est sublime, Jarhead évidement et plus récemment Blade Runner 2049. Avec tout ce beau monde on ne peut être que dans l'attente …


… et pour moi l'attente en valait la peine. 1917 est un film contemplatif, sans véritable fond ou sujet de dénonciation qu'on retrouve dans les films de guerres habituels. Là où Jarhead est un film plus froid mais avec un vrai message derrière (descente aux enfers des soldats dû à la frustration, l'inaction), 1917 se passe de ce genre de message et mise tout sur la forme. Le film décrit un aller simple de 2 soldats qui doivent apporter un message à un bataillon pour stopper une attaque contre les allemands, et c'est tout. 1917 n'a aucune volonté de coller à une réalité historique rigoureuse, il dépeint seulement le témoignage du grand père de Mendes qui a vécu cette guerre. On est sur un film très personnel.


Étant donné que le fond ne peut être jugé sur ce genre de film à l'instar d'un The Revenant, jugeons la forme. Et la forme est quasi parfaite. Le film tient ses promesses d'immersion grâce à des plans séquences d'excellente qualités, dommage cependant que le marketing outrancier ait dévoilé des scènes que j'aurai préféré découvrir directement au cinéma. Comme je l'ai dit on a des plans séquences, pas qu'un seul, mais l'illusion est là. Les techniques pour créer l'illusion du plan unique sont inspiré du film « La corde » de Hitchcock sauf que plus de 50 ans de cinéma sont passé par là et là ou dans la corde le procédé est cramé à des km, ici l'illusion est parfaite.


La musique est calée sur l'état psychologique des personnages (calme, stressé, en panique etc), la plupart de temps elle est discrète, on a un son d'ambiance voir des silences appuyés mais plus les personnages sont dans des situations de stress plus l'intensité de la musique sera forte. On a parfois des gros gros contrastes entre le son du film soudainement très fort et la faible intensité de la musique (j'ai sursauté plusieurs fois à cause de ça …) qui laissait présumer que tout allait bien se passer. La musique et le mixage son en générale participe grandement à l'immersion des spectateurs dans le film et c'est pour moi une grande réussite.


La photo est aussi très réussie. On a le droit à des scènes de jour dans les tranchés et surtout un no man's land grisâtre accentuant l'effet dégueulasse et angoissant de la traversée et le moment d'après des prairies vertes immaculées. Mendes aime bien jouer avec ce genre de code (Jarhead le contraste Jour/Nuit est fou), d'un côté il appuie la côté horrible des tranchées, la scène d'après on a des paysages d'une propreté intouchée ou on oublierait presque que la guerre est à quelques mètres. Mais là ou Deakins est pour moi le meilleur c'est pour les scènes de nuits, et 1917 rappellera forcément Jarhead pour ça. Il fait nuit noire, y a du feu, l'éclairage vient uniquement des flammes. Rajoutez une ville en ruine pour jouer avec les ombres et le résultat est top.


Je regrette cependant que 1917 utilise plusieurs fois le fusil de Tchekhov de manière absolument pas subtil. Je pense notamment à des pétales de cerisiers et du lait de vache... Et quelques facilités dans certaines scènes d'actions ou je me suis dit que si l'allemand l'a pas vu passer par là il a de la sacré merde dans les yeux. Malgré ces défauts ce film est un chef d'œuvre de technicité qui n'a pas pour autre ambition que d'immerger le spectateur et de lui faire ressentir les mêmes émotions que ces personnages au travers de décors de la 1ère guerre mondiale…


... et ça fonctionne.

FabienBe
8
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le 27 janv. 2020

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Fabien B.

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