Roger Deakins est un dieu parmi nous simples mortels. On le savait déjà depuis un moment, mais c’est toujours bien de le rappeler. Quand on pense qu’il est arrivé au sommet de son art, il décide d’élever encore une fois le niveau, et cette fois, il s’est dit que des coupures au montage, ça rendait son travail trop facile.
Alors un film entièrement réalisé en un (même si ici c’est plutôt deux) plan séquence, ce n’est pas nouveau, Hitchcock et Iñarritu entre autres l’ont fait avant lui, mais avec des coupures visibles et surtout dans un environnement fermé. La tâche de Mendes était plus importante puisque lui et Deakins devaient trouver un moyen de créer l’illusion d’un plan séquence tout en changeant constamment de lieux. Le film Victoria l’avait fait, et techniquement ce film était fantastique, mais d’un vide sans nom, et pas forcément extraordinaire à regarder. C’est là que Deakins entre dans la partie, en donnant à chaque image une beauté extraordinaire, parfois tout droit sortie d’un tableau, comme cette séquence magique du bombardement nocturne, magnifiée par la superbe composition de Thomas Newman, qui mériterait bien de gagner enfin cet Oscar qui lui échappe depuis si longtemps.
D’un point de vue sonore, le film est tout aussi impressionnant, le bruit des explosions, des tirs et des avions sont perçants, l’utilisation de la musique est fantastique, Thomas Newman ayant composé sa meilleure partition depuis… toujours ? Et surtout, l’utilisation des silences est merveilleusement bien gérée, augmentant à chaque fois la tension ou l’impact émotionnel de la scène.
Quant aux personnages, on n’en sait pas beaucoup sur eux au premier abord, on sait juste qu’ils ont une mission, si ça avait été tout ce qu’on savait sur eux, le film n’aurait pas fonctionné, heureusement, Mendes a l’intelligence de savoir les développer à travers leurs actions, et grâce à quelques lignes de dialogues bien senties qui dévoilent des informations sur eux sans pour autant nous le dire directement. Cet attachement aux personnages est ce qui rend le film intéressant à suivre pour moi, un peu à l’inverse de Dunkerque par exemple, où techniquement le film était au point mais où les personnages n’avaient aucun développement, une approche froide qui me laissait de marbre.
Cela n’aurait pas été possible non plus sans des acteurs au top, George MacKay et Dean-Charles Chapman en tête évidemment, dans des rôles difficiles car presque entièrement dans la réaction. Le casting est très intelligent pour les personnages secondaires auxquels ils ont affaire au cours du film, Colin Firth, Andrew Scott, Mark Strong, Buckingham Custardbath, Richard Madden, des gueules facilement reconnaissables et qui appuient l’importance de ces personnages dans l’histoire, alors que ceux-ci ont un temps de présence ultra limité.
Et comment ne pas mentionner le travail formidable de Lee Smith, le monteur, dont le travail doit absolument être reconnu tant il réussit à camoufler à la perfection toutes les coupures pour donner l’impression qu’il n’a rien eu à faire, un boulot ingrat qui donne cependant au film sa raison d’être.
1917 est un film qui doit être montré dans les écoles de cinémas tant le film de Sam Mendes est maitrisé à tous les niveaux, photographie, musique, montage, rythme, acteurs, tension, émotions, c’est un rare exemple où toutes les pièces s’assemblent à la perfection pour créer un film unique.
PS : je veux un making of de minimum 10h pour le bluray, ok Sam ?