Tout commence dans une prairie verdoyante et fleurie (comme l'a si bien décrite Arthur Rimbaud), où se reposent deux jeunes hommes en uniforme. Ils se nomment le Caporal Tom Black (Dean-Charles Chapman, “Music of my Life”) et le Caporal William Schofield (Georges McKay, “Captain Fantastic”) de l’armée de sa Majesté George V d’Angleterre. Les deux hommes ne le savent pas encore, mais dans quelques minutes, ils recevront l’ordre incroyable d’empêcher par tous les moyens, un assaut aussi inutile que meurtrier à quelques kilomètres de leur position. Pour ce faire, ils devront rejoindre et prévenir la 18e Devon, derrière le no man's land au plus proche de l’ennemi, soi-disant en fuite. Une mission suicide à en croire l'État-major ! Pour l’heure, il pourrait s’agir de n’importe quelle guerre, dans n’importe quel pays. Mais après quelques instants, les voici qui se mettent en marche, la caméra de Sam Mendes les précède et ne les lâchera plus. Les deux acolytes ne sont pas seuls, un gros plan sur leur visage, puis le champ de vision s’élargit, d’autres jeunes hommes apparaissent alors en arrière-plan et sur les côtés. La démarche de Tom et de William se fait de plus en plus pressante. L'herbe sous leurs pieds se transforme en terre, puis devient boue, le paysage s'assombrit, des sacs de sable délimitent un sentier, les artères creusées qu’ils traversent grouilles de soldats apeurés, fatigués ou encore blessés. Plus aucun doute, l’histoire se déroule durant la “Der des Der”, la Grande Guerre, plus précisément le 06 avril 1917, quelque part dans la campagne française. Devant nos yeux viennent de se jouer les prémices d’une fresque guerrière qui fera date dans l’histoire du cinéma. En effet, “1917” est une incroyable expérience immersive, grâce à différents plan-séquences liés entre eux. Sam Mendes (“Skyfall”) en fait sa pierre angulaire (comme Alfonso Cuaron l’avait fait avant lui dans le dystopique “Les fils de l’homme” en 2006). Le résultat est plus que bluffant et fait du film un spectacle quasi-expérimental. Mais à quoi servirait toute cette maîtrise visuelle sans ce fabuleux récit à hauteur d’homme puisé entre autres dans les souvenirs de l'aïeul du réalisateur. Black et Schofield, les valeureux messagers vont traverser un monde hors du temps, un monde onirique voire presque irréel. Les cratères et les barbelés se disputent le moindre espace, le sol est un mélange minéral et organique où les carcasses d’animaux et les cadavres comme pétrifiés -pour avoir eu l’audace de regarder la guerre en face- donnent une certaine idée de l’enfer sur terre. Des labyrinthiques tranchées, aux ombres surréalistes d’un village en proie aux flammes (accompagnée d’une partition à l’écho wagnérien), jusqu’aux eaux du fleuve charriant des corps en putréfaction, “1917” est une épopée guerrière hors normes, d’une ampleur dramatique telle qu’elle en devient une véritable Odyssée mythologique hantée par des images dantesques qui resteront longtemps gravées dans nos mémoires.