Il y a toujours quelque chose de puissant et spectaculaire chez Sam Mendes. 1917 ne fait pas exception. Nous sommes dans les tranchées britanniques en 1917. L’armée allemande est en difficulté et se retire. Les britanniques se lancent à sa poursuite. Sauf que cette retraite est un piège qui pourrait coûter des milliers de vies. Deux soldats sont missionnés pour porter aux collègues postés plus loin un message d’annulation de l’assaut du lendemain. Pour délivrer cette missive, ces deux jeunots vont devoir s’aventurer en zone ennemie. Cette histoire est inspirée d’un récit raconté par le grand-père du réalisateur. C’est le défi technique qui prime au début du film. On assiste à un très long plan-séquence, acte de bravoure s’il en est, surtout compte tenu du nombre de figurants et de l’exiguïté du décor. En fait, ce fameux plan est un trompe l’œil mais peu importe car l’effet a plus d’importance que la pure expérience technique. Cet effet, c’est celui d’une unité de temps bien que celle-ci soit impossible. Le récit glisse et trouve sa place comme les héros dans les tranchées et dans les recoins d’un cratère d’obus. Le suspens fonctionne à merveille et nous tient jusqu’au bout. Petite trouvaille intelligente, le personnage principal n’est en fait pas le véritable héros du film et le récit s’en trouve renouvelé à la moitié du film. Au rayon des regrets, on trouvera dommageable un ton manichéen dans un contexte qui ne devrait pas le permettre. La lutte des gentils contre les méchants (forcément allemands, fourbes, traîtres) ne fonctionne pas pour la première guerre mondiale. Ce ton est d’autant plus étonnant que la photo du film et le regard porté sur la hiérarchie militaire laissent à penser qu’on tient là une critique argumentée. Les généraux et autres gradés sont bien généreux quand il s’agit de dépenser des vies humaines. La somptueuse photo de Roger Deakins donne quant à elle l’impression que rien de tout ça n’est réel. Un véritable contraste par rapport à un tournage qui se voulait le plus réaliste possible. Quand notre personnage principal marche dans les ruines d’un village détruit, on croit voir un pantin perdu dans une ville fantôme ou dans un cauchemar dont on ne sort pas. Comme dans un cauchemar, rien n’a de sens. Au final, c’est ce que semble dire le film : cette guerre n’a pas de sens et les hommes que l’on a poussés à s’entretuer ne savent pas ce qu’ils font là ni comment se sortir du dédale de cette boucherie. En d’autres termes, c’est une réussite qui interroge sur ses intentions mais qui permet à minima d’entrevoir un regard britannique trop rare sur la guerre des tranchées. Ni un pamphlet, ni un véritable film d’action de bourrin, quelque part entre les deux.