juillet 2009

Film Disney, film vacances, film enfance, plaisir régressif, plaisir source. Avec le petiot, on s'est offert un après-midi plein de monstres marins et d'indiens cannibales, sur mers plus ou moins agitées, un cinémascope à la papa, multicolore primaire. Fleischer nous livre un spectacle qui m'a semblé un brin trop long. A un moment, j'ai failli bailler. Le début est excellent de Frisco au naufrage, le mystère et la quête du monstre marin font frissonner les jeunes cervelles et puis quel étrange vaisseau sous-marin que les héros abordent dans un épais brouillard! Le monstre de fer une fois son mystère révélé reserve encore quelques surprises.

Le personnage du capitain Nemo profondément complexifié par les troubles que lui donne James Mason, entre en scène, fascinant, inquiétant. Le conflit larvé entre cet être enfermé dans sa haine, sa tragédie intime et ses sentiments de culpabilité mal digérée et un Ned Land, héros "parfait", ouvert, fort, hâbleur, aimant l'alcool, les femmes, les rires et les chants, mais loin de l'île aux enfants, un homme épris de liberté, fou de vie et qui ne souffre pas des mêmes névroses, loin s'en faut, ce conflit finit par être ouvert. Il était obligatoire que les deux hommes entrassent dans cette lutte fondamentale. Le capitaine Nemo est fascinant disais-je, le professeur Arronax d'ailleurs reste longtemps dans un état d'admiration que ses camarades ne comprennent pas, puis finir par nourrir le secret espoir de le comprendre et peut-être de l'apprivoiser, lui et son savoir. D'autre part la violence du capitaine Nemo est sans doute démultipliée par la présence de ces hommes. Le professeur Arronax représente le pôle scientifique et curieux, intellectuel de la civilisation, l'aspect optimiste et rêveur en un avenir radieux, philantthrope, ce fameux positivisme dixneuvièmard qui a fait tant de dégâts (la morale de la fin, en forme d'oracle, de pythie en dénonce les périls futurs). Ned Land représente peut-être l'essence de vie qui a dû être celle du capitaine Nemo avant qu'il ne soit comme souillé ou détériorié par la violence des hommes faisant de lui ce misanthrope cynique et aveugle.

La réalisation de Fleischer, avec la production Disney en lanterne au dessus de la tête, se doit d'être spectaculaire et elle l'est, divertissante à souhait (si ce n'est un scénario un poil trop long au milieu du film) mais elle n'empêche nullement l'introspection des personnages, les réflexions sur les notions de progrès et de l'aliénation de l'homme et de l'environnement face à la science et la machine (thématiques non soulevées par Verne bien entendu, on sent bien ici que la deuxième guerre mondiale a porté un coup fatal à ces utopies). Du spectacle donc mais sans pour autant laisser le public dans une vacuité discursive, des facilités scénaristiques. Au contraire, le divertissement peut faire sens.

Avec une belle distribution, un James Mason toutjours aussi intense et imposant, un Kirk Douglas en pleine forme, dynamique, souriant, un Peter Lorre effacé, timide et droit, Fleischer met ses acteurs en scène de façon efficace, sans recherche d'effets compliqués. Droit au but. L'apport de Fleischer n'est pas dans les placements et déplacements d'acteurs, ni de caméra, mais dans la construction du récit via l'image, entre larges cadres, montage serein et décors fabuleux. Maitrise, équilibre, efficacité sont les mots qui me viennent immédiatement à l'esprit pour évoquer la marque Fleischer. Sans esbrouffe. A l'opinel. Ce film me le confirme.
Alligator
8
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le 9 mars 2013

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Alligator

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