Décidemment, la collection « Westerns de Légende » n’en finit pas de me surprendre. Parler de film « légendaire » pour évoquer 24 heures de terreur me semble un brin excessif. Du haut de ses 10 petites notes à ce jour sur SC, il s’agit plutôt d’un honnête petit western de série B (et de derrière les fagots).


Car le long métrage n’est pas grand-chose, et en aucun cas un grand film. Dixième des quatorze réalisations de Harmon Jones, le cinéaste n’a pas vraiment marqué les annales cinématographiques : aucun de ses films ne dépasse les 30 notes sur le site, c’est dire.
En revanche, son travail en tant que monteur est plus connu, puisque le bonhomme a travaillé avec des réalisateurs comme Joseph Mankiewicz – pour La Maison des étrangers – mais également avec Elia Kazan avec qui la collaboration fut fructueuse – Boomerang, L'Héritage de la chair, ou encore Panique dans la rue.


A première vue, 24 heures de terreur avait tout pour offrir un bon divertissement : un titre aguicheur – mais comme bon nombre de westerns pas tout à fait justifié –, un Marshall confronté aux notions de justice et de Bien, un saloon et ses tables de poker, un cowboy à la gâchette facile, des gunfights et des duels à tout-va. Il ne manquait plus que les Indiens et l’attaque de train pour que le tableau soit complet.


L’intrigue prend place à la fin du XIXe siècle, alors que le rail apporte à l’Ouest la civilisation et le calme. Au détour d’un chemin, deux figures emblématiques du western se rencontrent : le Marshall Burnett, incarnant la justice, et alors à la recherche d’un dangereux fugitif ; et le dénommé Jagade, cowboy solitaire fouteur de merde qui n’a jamais su s’adapter aux changements de mentalités – ce dernier vit toujours au temps du Far West sans foi ni loi.
Lors de la rencontre de nos deux personnages, Jagade sauve la vie du Marshall. La situation se complique à l’arrivée en ville. Jagade, ne semble pas le bienvenu, sa réputation douteuse est bien connue et rapidement, le voilà obligé de tuer un homme, en état de légitime défense. Mais notre bonhomme prend ses aises : il gagne la sympathie de certains en faisant rouvrir le saloon (fermé le dimanche), en envoyant chercher les filles de joies que l’on avait expulsé et en ramenant joie et péché au sein de la bourgade tranquille.


J’aime beaucoup l’idée de cet homme qui arrive dans une petite ville sans histoires et qui, par la peur qu'il engendre, va révéler la vraie nature des habitants. Je ne peux m’empêcher de penser à Clint Eastwood dans L'Homme des hautes plaines. Il s’agit d’un principe d’intrigue qui possède un fort potentiel cinématographique lorsque les masques tombent et les haines refoulées se déchaînent.
Ici, la ville est rapidement séparée en deux camps : d’un côté les bourgeois conservateurs autour des figures du maire et du juge, et de l’autre les ranchers et les cheminots, bien contents d’un climat plus laxiste et enjoué. Et au milieu, le Marshall, tiraillé entre devoir de justice et sa dette qu’il doit à Jagade pour lui avoir sauvé la mise.


A première vue, le cadre est plutôt sympathique. Pourtant, de nombreuses choses m’ont chagriné dans le film.
Outre la mise en scène plate et sans saveur, et un jeu d’acteur très moyen, le film est bourré d’incohérences scénaristiques. Dans sa volonté d’être court et concis (tant de choses racontées en 1h18, le film devait être à l’époque proposé en séance double programme), le développement de l’intrigue semble sacrifié à grands coups d’ellipses.
Qui est cet homme à la fenêtre qui cherche à tuer Jagade lors de son arrivée en ville ?
Pourquoi le Marshall attend-il aussi longtemps (et d’avoir toute la ville à dos) avant d’agir ? D’autant plus si Jagade est un hors-la-loi comme certains détails semblent le suggérer ?


Moi qui suit très attaché aux trajectoires scénaristiques des personnages, j’ai trouvé que les retournements de personnalités étaient tellement bâclés (manque de moyen et de temps ?) qu’ils en devenaient incohérents.
Pourquoi le pasteur, véhément prêcheur souhaitant l’expulsion de Jagade ou à défaut, son élimination, devient subitement non-violent ?
Les circonstances du suicide de l’institutrice sont également si mal expliquées que toute cette sous-intrigue reste dans le flou…


Malgré le potentiel qu’offrait son concept de départ, 24 heures de terreur s’inscrit donc dans la lignée de ces westerns de série B produits à la pelle dans les années 1950, un peu à la manière dont on produit aujourd’hui des épisodes de séries à la chaîne : sans une once de cinéma, avec une réalisation fade, et un scénario pas aboutit.

D-Styx
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le 27 avr. 2021

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D. Styx

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