Adapté de la BD de Frank Miller, elle-même inspirée de la bataille des Thermopyles (480 av. J-C), 300 relate le glorieux fait d’armes de Léonidas, roi des Spartes, qui repoussa pendant plusieurs jours l’armée Perse et se sacrifia pour permettre aux armées Grecques alliées de s'unir et de repousser l'ennemi. Le film de Snyder, d’une extrême sophistication, compile l’esthétique des jeux vidéo à celle des peintres de l’Antiquité, voire de la Renaissance (David). Visuellement, tout y est amplifié, glorifié, magnifié. L’emphase est constante : ralentis, tableaux vivants, voix-off sentencieuse, exacerbation des corps, patriotisme outrancier, musique martiale...

Un souffle wagnérien démesuré sous-tend le film jusqu’à la grandiloquence et le pompeux assumé. Au demeurant, le rythme du long-métrage dans son ensemble manque de puissance et de fantaisie. L’alternance classique entre scènes de guerre et scènes de palabres sied mal à l’exagération permanente de l’oeuvre et crée, de fait, un déséquilibre narratif qui provoque un ennui certain. Sur le plan historique, la véracité a été envisagée à son strict minimum, à savoir une guerre parmi tant d'autres servant de prétexte à un spectacle dantesque. Les Spartes sont décrits de façon plutôt avérée, vision fascisante d'un peuple qui organise sa société sur l’eugénisme et l’art de la guerre, l’honneur et la bravoure, les valeurs morales et la religion. Les Perses, eux, sont montrés comme une nation de barbares et de dépravés, et leur roi Xerxès comme une folle adepte du piercing.

La caricature a ses limites et ne sert qu’à illustrer de façon schématique la lutte manichéenne entre de "nobles" idéaux et des instincts noirs et destructeurs. Nobles que par le mot, Léonidas pouvant être vu, au-delà de la figure du valeureux héros, comme un fanatique ivre de reconnaissance et aveuglé par des concepts illusoires (liberté, orgueil, mérite, sacrifice). Dans tout ce bourbier idéologique et sociologique, la bataille en elle-même se déploie sous une forme abstraite, rêvée et idéalisée. La crédibilité n’a plus cours, seul compte l’esthétisation absolue du combat, la picturalité excessive des gestes, l’apparence stylisée des décors et du champ de bataille. 300, œuvre furieuse, étrange et malade, peut finalement se résumer à l’image du Roi Léonidas, celle d'un bloc finement sculpté rongé par la folie et les scories de son propre engouement.
mymp
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le 25 juin 2013

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