Un coeur 80's dans un corps 00's
Comment est-ce possible ? Alors que je suis le premier à vilipender la déchéance totale du péplum moderne, le viol collectif de l'Antiquité (période que j'adore) auquel les producteurs hollywoodiens se livrent depuis des années pour le plus grand plaisir d'une plèbe de plus en plus décérébrée, voilà que j'accorde la note de 7 à... 300 ?! A ce clip ultra numérisé dégueulasse ? A cette farce pseudo historique filmée au ralenti ? Oui, et je le revendique, et je m'explique.
Dans la liste grandissante des films du 21ème siècle qui massacrent allègrement mythologie et antiquité, 300 est le seul qui trouve grâce à mes yeux. D'abord parce que sa formule est inédite, qu'il cherche vraiment à inventer quelque chose, visuellement parlant. Le simple fait d'innover, en ces années où on tourne des films comme d'autres fabriquent des bagnoles à la chaine, je trouve que ça mérite un minimum d'attention. Après, que le résultat soit discutable et qu'il ne plaise pas à tout le monde, c'est évident. Mais j'ai accroché à l'idée.
Mélange de théâtre (tout semble étriqué, tournage en studio oblige), de bande-dessinée et de jeu vidéo, 300 propose un divertissement moderne, excessif, fun, et qui est pleinement conscient de son caractère outrancier. En effet, le scénario, ultra-simpliste, n'est qu'un prétexte à un déferlement de testostérone, de fanatisme, de tableaux guerriers peints aux couleurs du ralentiiiiiii et de second degré qui vient désamorcer le tout. Non, 300 ne se prend pas au sérieux. C'est d'ailleurs précisément ce qui élève le film vers les strates du divertissement aussi assumé que défoulant: une bande de bodybuildeurs à moitié à poil combat l'armée d'une drag-queen divine géante. Le tout saupoudré de dialogues virils, de hurlements guerriers, de membres arrachés et de superbes chorégraphies martiales aussi jouissives que lisibles, ce qui va encore une fois à contre-courant des infectes caméras à l'épaule des films d'action modernes.
300, c'est le digne continuateur de tout un pan du cinéma des années 80, burné, décomplexé et pas si bien-pensant que ça: les héros sont tout de même des eugénistes suicidaires ! Bordel, qu'est-ce que ça fait du bien ce genre de petit plaisir déviant de temps en temps. Ca devient rare... Surtout que, contre toute attente, quelques véritables moments de grâce émaillent tout de même le film, lui insufflant une âme. De brefs moments de contemplation, quelques instants de frissons. C'est vraiment pas si mal 300, en fin de compte... Le seul véritable reproche que je lui ferai, c'est de ne pas aller jusqu'au bout du délire en proposant davantage de scènes de combat, le vrai coeur du film après tout. On se serait aisément dispensé de plusieurs scènes de dialogue un peu lourdes...
Je n'ai jamais souhaité voir d'autres films à la 300. Je considère le film de Snyder comme un coup unique qui se suffit à lui-même. Mon plaisir coupable, totalement assumé, tant qu'il reste unique. Ce n'est pas la suite qui va me faire mentir...