Certains iront peut-être voir ce « 3 Billboards » suite à la récente pluie de Golden Globes qu’il a reçu (et ils auront raison), mais moi, j’avoue que ce qui m’a tout de suite attiré dans les salles obscures pour voir ce film, c’est le nom de Martin McDonagh à la réalisation et à l’écriture. Alors certes, je n’avais pas du tout encaissé son dernier « 7 psychopaths », mais d’un autre côté j’ai tellement été saisi par la qualité et la singularité de son « Bon baisers de Bruges » que désormais je ne veux plus rien rater de ce que fait ce gars-là. Et pour le coup, concernant ce « 3 Billboards », les simples cinq premières minutes suffisent pour parler en faveur du film. Alors c’est vrai que je n’ai pas forcément été saisi par la réalisation ni la thématique présentée. D’ailleurs, à bien prendre tous les choix formels opérés – et notamment celui de la musique – on pourrait même dire qu’on a affaire là à quelque-chose de plutôt académique dans son genre. (Faut-il y voir une volonté de chercher des statuettes ? Mystère…) Et pourtant, malgré ça, ce qui m’a assez rapidement sauté aux yeux, c’est l’incroyable efficacité de cette mise en scène. A dire vrai, tout tient au fait que l’écriture et le montage soient tous les deux très incisifs. On commence tout de suite sur les panneaux. Paf ! Immédiatement dans la foulée on voit dans l’attitude de Frances McDormand qu’une décision est en train de se prendre et que cette décision implique quelque-chose qui la brasse profondément. Et à peine la chose est-elle déjà posée qu’on est déjà dans le bureau du propriétaire des panneaux à poser ce qu’il va se passer, tout en alimentant le mystère autour de cette femme. Et à peine ces cinq minutes se sont écoulées que déjà on est arrivé à une sorte de résolution sous forme de climax, avec les panneaux installés, pendant qu’en même temps on continue de poser des personnages ainsi que du background à l’intrigue. C’est rapide, prenant, efficace. Certes, ce n’est pas révolutionnaire, mais ça marche du tonnerre pour moi. Et à dire vrai, à bien tout prendre, toute l’efficacité peut se résumer à ça. Tout repose sur une vraie maitrise de l’ellipse, du shortcut régulier et de la densification permanente du background. Le film ne réinvente jamais rien, mais il ne se repose jamais non plus sur ses lauriers. On nous invite en permanence à réévaluer les personnages qu’on nous présente ; on nous amène du coup aussi à réévaluer systématiquement la pertinence des actions et réactions de chacun ; si bien qu’au final le film tire aussi une vraie force à ne juger personne et à ne nous faire tenir pour aucun des partis. D’ailleurs le film parvient à plusieurs reprises à tenir des moments assez forts, et souvent avec des personnages qui pourtant s’opposent la plupart du temps...


(Mon moment favori restant quand même la lecture de la lettre de Bill : ça joue de la corde sensible mais tout en restant sobre. Moi j’adore.)


Et comme en plus l’intrigue se plait à nous surprendre de plus en plus dans l’audace et le rythme de ses péripéties, eh bah moi ça m’a très rapidement hameçonné bien sévèrement.


Parce que bon, pour ceux qui ont vu le film, il ne faut quand même pas oublier que Bill Willoughby meurt à la moitié du film alors qu’on pouvait s’attendre à voir la situation s’étaler sur toute l’intrigue, donc « woh ! » Ne pas oublier non plus quue juste derrière Dixon se décide à bazarder Red par sa fenêtre, donc double « woh » ! Et que tout ça enchaîne avec l’arrivée du nouveau Chef de la police et la lettre de Bill qui vont amener à chambouler la position du personnage de Dixon… Mais vraiment triple « woh » !


Griller aussi vite ses cartouches et recharger juste derrière, moi j’appelle ça de l’écriture qui ne se fout pas de nous ! …Et à dire vrai, si je devais conclure sur quelque-chose concernant ce « 3 Billboards », je m’attarderais sûrement sur cette description là : « 3 Billboards » c’est du cinéma qui ne se fout pas de nous. Ce n’est certes pas une proposition si originale que cela en termes de cinéma, mais c’est exécuté avec talent, avec une écriture efficace, et un casting démentiel qui ne peut que faciliter le travail de tout créateur. (Juste pour le plaisir de les citer : Frances « Fargo » McDormand ; Woody « Tueurs Nés » Harrelson ; Sam « Moon » Rockwell ; Peter « GOT » Dinklage ; Zeljko « Damages » Inavek ; Clarke « The Wire » Peters ; Caleb « Antiviral » Jones… Rololoh ! Mais quel bataillon d’artistes quand même !) En bref, pour moi « 3 Billboards » ne surprendra pas par la forme, mais il saura percuter par sa remarquable exécution. Donc, franchement, faites-vous plaisir et allez voir cette leçon de maître.

lhomme-grenouille
8

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Créée

le 18 janv. 2018

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