Sans briller par sa réalisation, le film puise dans ses personnages une richesse et un anti-manichéisme flagrant et bienvenue. C’est d’ailleurs par ses phrases cinglantes et osées que 3 Billboards se démarque, donnant la parole à un bled paumé comme il en existe tant aux États-Unis ; rempli de clichés, mais pas que. Si chacun s’évertue à mener son combat seul, le scénario propose à ces personnages de dépasser leur caricature. Le rythme reste soutenue parce que chacun tente de s’imposer par des actions plus ou moins exécrables. On pense forcément aux frères Cohen, même si l’approche est plus attendrissante pour ces personnages, les réalisateurs prenant généralement plaisir à démonter les mécanismes de personnages bêtes et méchants. Les Panneaux de la Vengeance propose une approche plus rédemptrice, chacun avec ses faiblesse et ses regrets pour mieux affronter le deuil.
Le film réussit largement à surfer sur des genres différents, utilisant tantôt l’humour, tantôt le drame, en abordant autant des sujets durs que des situations ridicules. La musique joue par exemple très bien sur cette ambiguïté (on pense tous à Chiquitita de Abba). A ce propos le personnage raciste joué par Sam Rockwell est ambivalent, jusqu’à sa rédemption douteuse. Pour autant, je pense que c’est assumé, au vu de l’écriture apportée à son personnage, rendant ridicule une telle haine, tout autant que son revirement de situation. Au contraire de la bonté incarné par Woody Harrelson, le shérif dans son incarnation parfaite. Seule Frances McDormand semble se faire offrir un personnage en finesse, coupable et victime de son sort.
On sent donc une volonté d’osciller entre les genres sans jamais renier sa ligne directrice dramatique ; mais c’est sans doute cette approche qui apporte de la fraîcheur au film, nous autorisant à passer du rires aux larmes, sans complexité.