Le truc de Martin McDonagh ? Prendre un genre ultra-codifié, avec son lot de passages obligés et de personnages clichés, et dévisser petit à petit les boulons de cette mécanique rouillée.
Ça a très bien marché pour Bon Baisers de Bruges, beaucoup moins pour 7 psychopathes. Et le voici de retour avec une bonne histoire de vengeance des familles.
Mais ce qui intéresse ici, ce n'est pas tant le coupable d'un crime particulièrement odieux, mais les secousses provoquées par la simple démarche d'une mère (Mildred) bien décidée à retrouver l'individu responsable du viol et du meurtre de sa fille.
Autour de ce fil rouge, Martin McDonagh retrouve cette écriture onctueuse qui caractérisait son premier long. Et livre une galerie de portraits tout à fait saisissants. À la fois bouleversant, cocasse et édifiant, 3 Billboards se garde bien d'enfoncer ses personnages dans une case (gentille mère courage, méchants flics imbuvables). Non, il préfère péter les cloisons pour les faire voguer d'un espace à un autre. Et c'est un délice, on évite les prises de positions faciles et complaisantes.
On sera donc libre de juger les actes de Mildred légitimes, justes, extrêmes et dangereux (voire tous les 4 à la fois). Pareil pour l'attitude des policiers, Willoughby et Dixon : incompétents, racistes, humains, compatissants.
Le film avance et les visages se révèlent. On y voit plus clair, mais pas sûr qu'on puisse être fixé pour autant. Qu'importe, la balade en vaut la peine. Et les interprètes sont au diapason : Frances McDormand et Sam Rockwell embrasent tout le film. En soutien, Woody Harrelson a rarement été aussi juste et touchant.
3 Billboards choisit une voie qui a l'intelligence de tout miser sur ses personnages, en soignant sa toile de fond morale, afin de laisser l'impression durable d'un film qui en dit beaucoup sans forcer le trait.