Alors que presque un an s’est écoulé depuis le meurtre et le viol de sa fille sans qu’aucune arrestation n’ait été faite, Mildred Hayes décide d’agir en affichant sur d’immenses panneaux rouge sang un message accusateur dirigé contre le respecté chef de la police de cette petite ville perdue du Missouri.


« Tu sais ce qu’ils font des tafiottes à Cuba ? Ils les tuent ! — Tu es sûr que ce n’est pas plutôt dans le Wyoming ? » Cet échange résume bien le fragile numéro d’équilibriste auquel s’adonne ce film où l’horreur de la situation est violemment contrebalancée par l’ironie mordante des dialogues. Car on rit, mais d’un rire quasi étranglé, presque honteux, comme si l’on regrettait immédiatement de s’amuser ainsi du pathétique de cette Amérique profonde.


Equilibre encore entre la déchirante détresse d’une mère incapable de faire son deuil et sa rage froide et cruelle. McDormand est impressionnante dans ce rôle de femme qui, contrairement à ce que le titre français du film semble indiquer, me parait plus être hantée par une culpabilité dévorante que par un pur esprit de vengeance.


Car là est tout le cœur du film : cette culpabilité décryptée et analysée méthodiquement par MacDonagh à travers les yeux d’une mère à bout de force, d’un chef de police dépassé et d’un officier raciste. Celui-ci, véritable archétype du pauvre type, connait cependant à travers l’œil bienveillant de la caméra du réalisateur une rédemption inattendue.


Et c’est peut-être cela le seul véritable reproche que je ferais au film : pourquoi cette réhabilitation ? Pourquoi ne pas aller au bout de son propos en assumant la noirceur du personnage tel le miroir de celle bien réelle d’une Amérique profonde contemporaine qui affirme sans honte son racisme et sa haine de la différence ?


Mais qu’importe, le pari de ce beau film à l’humour si noir est réussi et ses nombreuses victoires au Golden Globes amplement méritées.

SégolèneLe_Roy
8

Créée

le 6 févr. 2018

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