A chaque film qu'il réalise, Martin McDonagh parvient à y insuffler un sentiment à la frontière entre l’euphorie et la mélancolie. Ayant plus que fait ses preuves dans l'art de la tragi-comédie, son cinéma est souvent comparé à celui de Quentin Tarantino pour ses dialogues décalés et "authentiques", ainsi qu'au cinéma de Joel et Ethan Coen pour le portrait qu'il dresse de ces personnages hauts en couleurs devant faire face à des situations rocambolesques prenant une ampleur inouïe (certains voyant même dans ce « Three Billboards » une suite spirituelle à « Fargo »).


Néanmoins, là où le spectateur sera secoué dans tous les sens par la passion, l'insolence et l'extravagance d'un cinéma Tarantinesque, et où le cinéma Coenien portera un regard empathique sur les vies et déboires des idiots malchanceux de l'Amérique, celui de Martin McDonagh possède déjà ses propres codes et pourrait se décrire en un parti prit : celui de dépeindre le parcours sinueux de personnages rongés par un mal intérieur.


Dans « Bons Baisers de Bruges », Ray cherche à vivre avec le poids de la mort d'un enfant sur la conscience et est en quête d'un certain apaisement tandis que Ken tente tant bien que mal de vivre suite au décès de sa femme des années auparavant. Egalement, chaque personnage de ce film choral foutraque (dans le bon sens du terme) qu'est « 7 Psychopathes » est détruit par quelque chose qu'il cherche désespérément à obtenir : son chien pour Charlie, la reconnaissance de son meilleur ami pour Billy, la santé de son épouse pour Hans, l'inspiration pour Marty.


Il en va donc de même dans « Three Billboards », où Mildred Hayes cherche à faire le deuil de sa fille assassinée brutalement en mettant la pression sur le chef de la police locale chargé de l'enquête, lui-même en proie à un mal intérieur physique : un cancer du pancréas en phase terminale.


Se dégage donc de ce film une certaine atmosphère de par sa gravité et son humour, où le spectateur suivra l'évolution de personnages nuancés à travers leurs doutes, des personnages interprétés par une galerie d'acteurs impeccables dont Sam Rockwell, brillant acteur, s'il en est.


Une atmosphère qui pourrait être résumée en deux scènes majeures du film absolument renversantes (le plan séquence et celle de la lettre), ce qui est d'ailleurs une caractéristique du cinéma de McDonagh. En effet, que ce soit dans « Bons Baisers de Bruges » ou « 7 Psychopathes », il arrive à placer aux moins deux ou trois scènes par film qui arrivent à des moments cruciaux dans l'évolution des personnages ou de l'intrigue, et qui à chaque fois parviennent à faire prendre à l'oeuvre une dimension qu'elle n'avait pas auparavant.


On peut regretter en revanche que des longueurs se fassent ressentir à partir des dernières 25 minutes et ce peut-être parce que, dans sa construction et ses résolutions le film est au final assez sage alors qu'il y avait vraiment l'occasion de marquer au fer rouge son spectateur.
Néanmoins l'oeuvre dans son ensemble reste intéressante de par l'évocation d'une Amérique industrielle paumée et divisée, même si elle aurait gagné à ce que cet aspect ne soit pas forcément abordé de manière caricaturale (sans rien ne perdre de l'humour que le film emploie).


La filmographie de Martin McDonagh pourrait en fin de compte être comparée à un pub : ça se pose, ça boit, ça philosophe, ça dégoise, ça se bagarre puis ça se réconcilie. Bref, ça vit et même si ce n'est pas forcément très novateur sur la forme, y passer un bon moment est quasiment assuré.


« Three Billboards » brosse donc le portrait d'un personnage principal à la recherche d'un moyen d’exorciser son passé, et plus généralement d'une société tourmentée par des maux qui semblent impossible à guérir, des thématiques chères à son metteur en scène et scénariste dont les prochains films sont dors et déjà des attentes.

Tocotoc
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le 5 mars 2018

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Tocotoc

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