Western atypique, peu pourvu en action, préférant la force tranquille d’un duel psychologique que se livrent deux bonhommes aux caractères bien trempés, 3h10 pour Yuma est un bel exercice d’écriture auquel il manque, à mon sens, un soupçon d’énergie. En effet, si l’affrontement entre bandit bien élevé et père de famille intègre jusqu’à la mort monte tranquillement en puissance pour révéler tout son potentiel dans un dernier quart d’heure trépidant, les autres personnages, ainsi que les lieux traversés, semblent n’être qu’accessoires, Delmer Daves ne s’en servant que très peu pour garnir sa trame narrative.


C’est dommage parce que dès qu’il déroule ses portraits d’hommes, il fait mouche. De femme aussi d’ailleurs, puisqu’il offre au film un joli personnage féminin à travers la femme du sheriff intérimaire, et cela même si elle est indirectement à l’origine de l’élément qui réduit à néant la belle subtilité qui sert le crayon dans la majeure partie du film. A savoir cette fin convenue au possible, complètement détachée du reste, à contre-courant total de la tonalité un brin fataliste qui avait motivé l’écriture jusqu’au final. Comme si pendant près d’une heure et demie Delmer Daves avait évité tout manichéisme par quelques dialogues bien sentis, en servant pareillement les deux camps qui se renvoient la balle à tour de rôle, pour tout remettre en question en à peine 2 minutes d’image, le temps nécessaire pour les deux nemesis de faire table rase du passé en devenant les meilleurs potes du monde.


Bien entendu, on ne restreint pas un avis à deux ultimes minutes un peu manquées, mais quand elles s’ajoutent à un sentiment d’ensemble mitigé, elles ne font que renforcer la semi déception. Ainsi, si j’ai beaucoup aimé le coup d’œil de vieux briscard de Delmer Daves qui épouse à merveille les grands espaces qu’il capture sur bobine ainsi que les prestations sur le fil de Glenn Ford et Van Heflin, je reste par contre sur la réserve à propos d’une narration qui devient poussive lorsque le face à face psychologique s’estompe. Et quand le temps se fait un peu long alors que le film ne dure qu’une heure et demie, c’est généralement signe qu’il manque un petit truc quelque part.

oso
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le 31 mai 2015

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