Candide et étroit d'esprit que je suis, j'ai toujours du mal à comprendre les raisons qui poussent un producteur ou un réalisateur à se lancer dans l'exercice périlleux du remake. Manque d'imagination, ou volonté de faire sortir de l'ombre une pépite du passé tombée en désuétude ? Tentation facile de réutiliser une recette ayant déjà fait ses preuves, ou souhait authentique d'améliorer un modèle perfectible ? Qu'importe, en fin de compte, car c'est souvent un peu de tout cela à la fois. Mais là on l'on se doit d'être vigilant, irréprochable même, c'est lorsqu'on s'attaque à un chef-d'œuvre.


C'est la gageure qu'a tenté de relever James Mangold avec ce remake de 3h10 pour Yuma daté de 2007, soit exactement un demi-siècle après la version de Delmer Daves. Pari raté, autant le dire tout de suite, de la part du réalisateur qui sévit désormais dans la franchise X-Men...


Là où Daves, en tout juste une heure et demie, réussissait le tour de force de mettre le spectateur sur les nerfs malgré une dose minimale d'action, Mangold nous sert une sauce, rallongée d'une demi-heure, qui ne prend jamais. On a l'impression, en regardant le nouveau après avoir vu l'ancien, que tous les éléments qui font la puissance du premier ont systématiquement été laissés de côté dans le second. Pourquoi avoir fait du personnage de Dan Evans, interprété ici de façon médiocre par Christian Bale, un infirme ? Pourquoi avoir donné un rôle aussi conséquent à son fils William, le pénible Logan Lerman ? Pourquoi avoir transformé le personnage de Charlie Prince, le lieutenant du grand méchant Ben Wade, en un psychopathe sadique et sanguinaire ? Pourquoi avoir rajouté des fusillades à tout-va, une course-poursuite à travers un tunnel de mine exploité par des Chinois, et des explosions dans tous les sens ? Pourquoi, surtout, faire mourir le héros lors de la scène finale ?


Là où le sur-western de Delmer Daves mettait brillamment en scène un véritable duel psychologique entre Wade et Evans, incarnés de façon exceptionnelle par Glenn Ford et Van Heflin, le sous-western de James Mangold s'en donne à cœur-joie dans la surenchère visuelle et auditive. Certes, les paysages et les décors sont beaux, et la caméra capte à merveille les moindres détails, mouvements et expressions de Russell Crowe, lui, à son niveau, et des autres acteurs, mais ce qui faisait la force du Three-Ten to Yuma version 1957 a complètement disparu.


Trois scènes l'illustrent à merveille. D'abord, celle où Wade et ses hommes entrent dans le bar de Bisbee, tenu par la jolie Emmy (Felicia Farr en 1957, Vinessa Shaw en 2007). Chez Daves, un jeu de regards bourré de sous-entendus entre Wade et la barmaid suffit à nous faire comprendre ce qu'il s'est passé entre eux, mais qui n'est pas montré, au moment où Wade ressort du bar. Chez Mangold, où l'on considère visiblement que le spectateur n'est pas suffisamment subtil pour saisir cela si on ne le lui montre pas, on n'échappe pas aux caresses, baisers et plans sur la fille nue dans le lit. Navrant !


Autre scène, ou plutôt ensemble de scènes, celles qui se rapportent à l'attente interminable du train dans l'hôtel à Yuma. Ultra-développé chez Daves, ce long passage au cours duquel on sent monter la tension entre les deux antagonistes, sans pour autant rayer l'éventualité d'une échappatoire, donne toute sa force au film. Chez Mangold, ces scènes sont réduites à la portion congrue, le réalisateur préférant consacrer le dernier quart d'heure de son film aux fusillades, courses-poursuites et autres explosions finales...


Enfin la scène finale, évidemment, diffère chez Mangold puisque le héros est mort. La conclusion bouleversante du film de Daves n'a donc pas lieu d'être.


Dans les secrets de tournage piochés sur Allociné, Mangold, qui dit avoir été marqué par son premier visionnage du film de Daves à l'âge de 17 ans, déclare : « J'avais été frappé par la sophistication des questions qu'il soulevait sur la morale, le courage, l'honneur et la famille. Les personnages de Ben Wade et Dan Evans étaient plus complexes que les archétypes habituels et l'histoire permettait à la fois pas mal d'action et un étonnant sentiment de claustrophobie - unique dans l'histoire du western -, en contraignant les deux adversaires à une grande proximité. (...) Pourquoi ne pas tenter de traiter les idées du film d'origine avec une perspective plus moderne ? » Eh bien, je cherche encore la réponse à cette autre question : « Pourquoi tenter de faire un remake d'un film déjà parfait ? »

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le 29 sept. 2016

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The Maz

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