La légende des Akō gishi, ou les Ronin de Ako, est une histoire tirée d’un fait réel du début du 18iem siècle au Japon, devenu par la suite mythe national ancré dans l’histoire classique nippone. 47 Samouraïs laissés sans chef suite à l’exécution de ce dernier par ordre de leur Daimyo, le seigneur de leurs terres, décident de venger sa mort en assassinant l’investigateur de leur malheur et leur honte. Suite à ces évènements et après le succès de ces guerriers déshonorés aux yeux de la noblesse mais pas dans le cœur du peuple japonais, ils se font seppuku (se donner la mort par éviscération à l’aide de leur daisho) et s’élèvent au rang de mythe dans l’imaginaire et la tradition japonaise, aujourd’hui très respecté et considéré comme un parfait exemple de l’application du code du Bushido des samouraïs, guide spirituel et commandement de moralité indissociable de leur mode de vie et pensée. Cette histoire a été transposée au cinéma un grand nombre de fois, principalement au Japon, par Matsunosuke Oke vers 1915, Shozo Makino en 1928 ou encore Kenji Mizoguchi en 1941, bien que commande de l’armée japonaise. Akira Kurosawa s’en inspirera pour son fameux film "Les 7 Samouraïs" en 1954. En 2014 sort en France "47 Ronin", blockbuster réalisé par un sinistre inconnu anglais, qui reprend de nouveau l’histoire des 47 gishi dans un film à grand spectacle avec Keanu Reeves, Hiroyuki Sanada, Tadanobu Asano ou encore la « tattoo star » Rick Genest dont la généreuse place sur l’affiche du film représente le succès de sa campagne marketing, inversement proportionnelle aux secondes d’apparition de la célébrité dans la projection qui s’élèvent au précieux nombre de 8. Bien que suspicieux quant à tout ceci, les traitements apportés à la légende ont été nombreux du point de vue oriental, donnons une chance à l’Occident…..Aie.

Dans le Japon médiéval, un clan de 48 samouraïs se voit devenir 47 suite à la faute commise par leur maître, ayant insulté le seigneur de la région. Après sa mise à mort, le clan est banni et condamnée à errer sans chef à sa tête. Jusque-là, le mythe d’origine est respecté, mais les choses se compliquent très vite. Kai, un métis d’un père anglais et d’une mère japonaise, ayant grandi dans le clan en question, est recruté par les 47 ronin pour les aider dans leur quête de venger la mort de leur chef, et tuer le mauvais seigneur. Dans un Japon encore autocrate, autocratique, orgueilleux et très conservateur, il est inconcevable qu’un gadji, un étranger, un non-japonais pur, se voit confier l’amitié de guerriers japonais, pire, leur respect. La liberté scénaristique mise à part, le plus dur reste à venir.

Ce qui faisait la sobriété et la grandeur du mythe, l’admirable leçon humaine propre à celui-ci, tout semble avoir complètement disparu. Le film est une énième ode à l’exagération et au viscéral tape-à-l’œil, un parangon matriciel, un déluge de couleurs criardes, tapageuses et vomitives dont l’unique but serait, au mieux, de faire se perdre le spectateur dans l’action, histoire de lui donner encore plus le vertige incessant qu’il n’avait déjà en se prenant en pleine face les facéties de l’ancien publicitaire. Un improbable monstre bleu électrique et des dizaines de samouraïs bariolés, enroulés dans des kimonos ressemblant étrangement à une triste contrefaçon Madura, unis dans leur douteuse couleur prune moisie, vert pomme transgénique, rose bonbon ou jaune pipi sont loin de s’ancrer subtilement dans la légende de « La vendetta d’Ako ». Les chefs décorateur et costumier semblent d’ailleurs avoir pris un malin plaisir à exprimer pleinement leur mauvais goût chronique. Non content de faire passer d’honorables samouraïs que la honte accable pour des Télétubbies rachitiques, les décors bien trop léchés n’aident pas à l’immersion dans un pays soi-disant ravagé par un mal qui le ronge de l’intérieur. Il semblerait que Carl Erik n’ai pas encore totalement oublié son passé d’amateur graphique et plastique en nous proposant un recyclage de palissades Ikea sur lesquelles on aurait sournoisement peint un hypothétique symbole asiatique, pour peu qu’il soit chinois ou vietnamien.

Un grand méchant machiavélique et mégalo, une minette geignarde qui pourrait concourir avec une de ces vierges effarouchées de Final Fantasy, une vilaine sorcière se transformant, avec l’aide d’effets spéciaux vraiment très spéciaux, en un « dragon » digne d’un nanar de la Hammer mais malheureusement assumé, un colosse japonais en armure scintillante et presque gothique, immonde antithèse à lui tout seul, faisant office de gimmick testant les capacités encore enfouies du héros, un guerrier rondouillard mais plein de vie. Une avalanche de personnage reliquats qu’aucun autre scénariste ne voulait avec raison forme le pénible défilé imposé par la réalisation. De bien piètres performances pour des comédiens pourtant aguerris, emportés contre leur gré par la direction trop pataude ou tout simplement inexpérimentée de celui à qui l’on a confié 175 millions de dollars pour nous pondre ce cruel ersatz d’une des histoires les plus connues et idolâtrée du pays du soleil levant. Aventure ingrate menée d’une main de maître à grand coup de sons presque musicaux dont même Jablonsky ne voudrait pas pour illustrer les créations de son copain à la main lourde d’explosifs, 47 Ronin est un des plus gros flops de ces 10 dernières années, souillure du conte encore plus connu que celui de la Bible au Japon.
Gaspard_Savoureux
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le 3 sept. 2014

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