6 Underground
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6 Underground

Film de Michael Bay (2019)

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Dernière énorme production du réalisateur Michael BAY (Armageddon en 1998,No pain no gain en 2014 pour ne citer qu’eux), 6 Underground a fait son arrivé tonitruante sur Netflix le 13 décembre 2019. Mais l’impact de ses explosions n’a eu d’égal que les flots de critique qui ont submergé le film.


Pour ma part, je me suis laissé tenter par la bande-annonce et le casting. Et toujours dans l’esprit de contradiction vis-à-vis des avis majoritaires, j’ai donc regardé le film pour le défendre ou du moins y trouver tout de même de l’intérêt.


Après avoir simulé sa mort dans un accident pour avoir les coudées franches, un milliardaire réuni autour de lui une équipe hétéroclite de mercenaires tous plus fous et irresponsables les uns que les autres (une espionne, un homme de main mexicain à l’accent italien en VF, un jeune prodigue du Parkour, une infirmière et un sniper américain). Leur but est de rétablir la justice dans le monde en renversant un dictateur d’Extrême-Orient par des missions commandos aux méthodes approximatives, peu orthodoxes mais néanmoins efficaces.


Le film n’est pas nécessairement mauvais. Il est juste extraordinairement fatiguant nerveusement et moralement.


L’action y est incessante. Cela n’est pas pour déplaire mais le tout est desservi par un montage totalement hystérique qui fatigue les yeux, rend les déroulements de l’action et de l’intrigue absolument confus et incompréhensibles. Les scènes d’actions sont sur découpées et le montage multiplie les angles de vues contradictoires, incohérents ou redondants. Les cadrages et les travellings de caméra n’accompagnent pas les mouvements des personnages ou des véhicules. Dans certains cas, ils sont même à l’opposé ! Il est même assez impressionnant que constater que malgré tous ces atermoiements techniques, aucune scène d’action n’a la moindre saveur. Elles sont pourtant spectaculaires en elles-mêmes mais l’exécution les rend visuellement fades, confuses, plates et sans le moindre souffle de vie.


Cette frénésie du montage est assez habituelle pour le cinéma de Michael BAY mais ici, c’est plutôt épuisant, compte tenu de la longueur du film.


Par ailleurs, la narration est tellement décousue que le long métrage pourrait presque passer pour une expérience de cinéma expérimental. Il est impossible de déterminer une chronologie linéaire. Les séquences se suivent de manière aléatoire. Aucune n’appelle la suivante et leur ordre pourrait être tout autre. Cela ne rend pas l’histoire incompréhensible mais le visionnage est alors très fragmenté, comme si le film ne proposait à la suite que des séquences indépendantes de 10 minutes chacune, correspondant au temps de trajet ou de concentration maximum du spectateur.


Par ailleurs, 6 Underground pose quelques questions d’un point de vue moral et éthique. Tout d’abord, le bien fondé de faire justice soit même et selon ses propres critères. Une justice basée sur des convictions personnelles, avec absence de cadre juridique garant d’une certaine rationalité, est-ce juste? En faisant justice de façon secrète et non juridiquement encadrée, qu’est-ce qui différencie les 6 Underground d’un groupe de mercenaire, aussi vertueux soit -il ?


De plus, le film n’a absolument aucun respect pour la dignité humaine. Le nombre de morts violentes est incalculable et gratuit, jusqu’à l’écœurement : corps disloqués dans les nombreux accidents de voitures, cadavres criblés de balles et autres armes blanches (ou statues, ou encore broche à poulet), victimes précipitées dans le vide, etc. Certes, dans beaucoup de cas, il s’agit de « vilains » mais on voit même le chef d’état dictateur écraser et renverser violemment des civils révolutionnaires manifestant pour la liberté et leur émancipation. Des cascadeurs volant par-dessus des capots de voiture, on voit ça tous les jours dans les films d’action mais quand ces cascadeurs jouent des civils voire des populations opprimées manifestant légitimement pour leur liberté ; ici, la gêne s’installe. Mais le respect de la personne humaine fonctionne aussi dans l’autre sens avec l’exécution expéditive et sommaire du dit dictateur à la fin du film. Toutes ses exactions évidemment condamnables justifient-elles le traitement qui lui est réservé ? Et un tel agissement ne renvoie-t-il pas au même comportement dont il a fait preuve ? La question reste ouverte.


Cela étant dit, au dernier acte du film, même les scénaristes semblent prendre conscience de cette vacuité morale. Ils prêtent alors aux personnages des scrupules comme pour leur racheter une conscience. Ainsi le professionnalisme mortel du personnage de Mélanie LAURENT passe soudainement pour de la barbarie sadique aux yeux des autres ; le sniper de l’équipe tente de se dédouaner de la mort d’un ennemi à l’aide d’une grenade « incapacitante » ; même le milliardaire joué par Ryan REYNOLDS reconnait la trop grande violence de son super aimant. À travers ces scrupules, les personnages donnent l’impression d’être dépassés par leurs propres actions. Commencent-ils à avoir des doutes sur leurs méthodes ?


Ces petits détails scénaristiques, couplés à l’overdose de cadavres exhibés, peuvent inviter le spectateur à avoir un regard critique sur le contenu du film. Il peut s’agir d’une condamnation sincère et subtile de l’usage des armes soit disant « non létales » dont le film fait pourtant l’étalage, voire l’apologie. On peut y voir les limites d’une action secrète et non encadrées, et finalement, pourquoi pas, une dénonciation et une dé-légitimation de tout le propos et l’argument du film. A moins que ce ne soit juste des tentatives plus ou moins heureuses ou voulues de renforcement dramatique, pour donner un peu d’épaisseur au scénario.


Voilà en tout cas tout ce qu’on peut trouver à dire (et sans doute d’autres choses) sur 6 Underground si on intellectualise un peu la chose.


Mais pour finir sur une note positive et parce qu’il y a toujours quelque chose de bon à tirer d’un film, disons aussi que 6 Underground est tout de même un long-métrage de bonne facture. Michael BAY est un professionnel du cinéma qui a prouvé depuis longtemps ses capacités à mener et gérer un film et un budget de cette ampleur. Les aspects visuels et techniques du long métrage sont parfaitement maîtrisés.


De plus, on retrouve un peu sa patte avec les multiples micros rebondissements toutes les 10minutes qui relancent continuellement et efficacement le suspense (gratuitement ?) sans être utile à l’intrigue : à titre d’exemple, citons les gags du téléphone portable à l’écran fissuré ou à la reconnaissance visuelle défectueuse. Ou encore la grue inaccessible ou l’accident de voiture du numéro 3 alors qu’il a infiltré le convoi présidentiel.


Pour conclure, 6 Underground est un film d’action musclé à en devenir fatiguant et sans la moindre âme excepté celle qu’on veut bien lui prêter. Rien de nouveau dans le domaine de la scène d’action même si le travail est maitrisé. Évidemment pas le meilleur film de Michael BAY, mais ça donne au moins envie de voir ou revoir No pain no gain.

Créée

le 27 févr. 2021

Critique lue 310 fois

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