7h58 ce samedi-là par Christophe Muller
De la part d'un réalisateur de plus de 80 ans, même de renommée comme c'est le cas avec Sidney Lumet, on pouvait en toute logique s'attendre à un film "pépère". Mais si on adopte un tel point de vue, "7h58 ce Samedi-là" (comment ne pas préférer le titre original : "Before the Devil knows you're dead") a de quoi surprendre car il n'en est rien du tout, comme si le "vieux" avait voulu démontrer qu'il n'était pas encore fini. Ce film est même à considérer parmi les plus grandes réussites au sein d'une carrière qui a plus de 50 ans au compteur, au côté de "Serpico" ou "Un Après-Midi de Chien" qui remontent tous les deux au début des années 70. Et si Pacino a cédé la place à d'autres acteurs, le casting est ici également de haut niveau, et pas seulement grâce à Philip Seymour Hoffman qui n'a plus rien à prouver. Il se révèle certes une nouvelle fois épatant, mais c'est aussi le cas d'Ethan Hawke dans le rôle de son frérot légèrement benêt, tout comme le reste des interprètes.
La base de l'histoire est assez trompeuse, avec ces deux frères qui planifient le braquage de la bijouterie familiale, comptant sur les assurances pour venir à bout d'éventuels scrupules qui pourraient encore les retenir. De tels personnages, on en a croisé des tas sur pellicule, se croyant rusés mais s'avérant en fin de compte n'être que des losers pathétiques lancés dans un coup foireux qui aura vite fait de les dépasser. Mais la dramaturgie véhiculée par le scénario est bousculée par une mise en scène astucieuse, en adoptant de nombreux retours en arrière subtilement placés qui suivent tour à tour le point de vue de l'un des personnages, en révélant à chaque fois un peu plus sur ce qui les a tous amenés à une situation de non-retour. On découvre alors au fur et à mesure de la narration que les événements ne sont en fait qu'un prétexte destiné à disséquer la psyché malmenée d'une famille.
Notre regard change en même temps que les démons ressurgissent, et que nous sommes les témoins des réactions en chaîne provoquées par le larcin de départ. Ce dernier est responsable de l'explosion du peu de liant qui restait au sein de la cellule familiale. Les personnages, par leurs mauvais choix face aux pressions quotidiennes de toutes sortes, se transforment par-là même bien malgré eux en d’authentiques héros de tragédie, conduits inéluctablement au désastre.