Etrange, dérangeant, et savoureux. Ozon est là.

Ce film est librement adapté d'une pièce de théâtre et on retrouve dans la mise en scène de nombreux éléments pour nous le rappeler et qui permettent de faire planer sur ce film l'ombre du théâtre comique.


Tout d'abord il faut déjà parler de l'histoire: Dans les années 50, 8 femmes, différentes et pourtant si semblables, se retrouvent enfermées toutes ensembles dans la demeure familiale la veille de Noël et doivent découvrir qui a tué le patriarche de la famille, Marcel. Et pendant 1h40, les masques tombent, les vrais/faux semblants sont mis à jour et chaque secret est déterré.


8 Femmes, c'est un ballet à la fois léger et destructeur, c'est un portait de femmes que dresse Ozon dans ce film. Il nous présente ces 8 personnalités fortes et si hautes en couleur. Elles sont toutes si différentes et ont leurs particularités propres, ce que le réalisateur décide de représenter dès le générique en associant chacune d'entre elles à une fleur qui leur "ressemble". Je ne m'attarderai pas sur les fleurs qu'il a choisi pour tous les personnages mais je trouve chaque choix justifié et pertinent, loin d'être simplet. Ozon nous montre des femmes pouvant être à la fois cruelles, mauvaises et manipulatrices sous l'apparence de fleurs fragiles et sensibles comme beaucoup d'hommes peuvent se faire une image des femmes. L'idée des fleurs est une belle métaphore de ces femmes qu'il nous montre.


C'est si léger, et en apparence si futile et comique. Et pourtant, lorsqu'on fait plus attention, on réalise au cours du film que ces femmes sont complexes en dépit de leur vernis lisse et sombres sous leurs sourires brillants. L'histoire paraît tournée autour d'un seul personnage, le père de famille, Marcel, dépeint sous différents visages -le chef d'entreprise, l'homme riche ruiné, le bon samaritain aidant de pauvres femmes, le mari trompant et trompé, l'homme sans morale, le frère abusif puis méchant, le père aimant et protecteur, le père abusif et autoritaire, le beau-frère charmant, le beau-fils avare,..- autant de portraits fait de cet homme qu'on ne voit jamais. Alors que tout semble être centré sur cet homme il s'avère que rien ne le concerne et que tout le film ne montre qu'une chose: qu'au final cet homme n'était rien d'autre que ce que ces/ses 8 femmes voulaient qu'ils soient. Voilà la beauté de ce film si sombre et si malsain, sous cette image joyeuse et légère qu'Ozon défend tout du long à traves les fleurs, les décors, la lumière, les chansons,... Cette beauté c'est de pouvoir nous montrer peu à peu que, oui, les femmes peuvent aussi libérées et intéressées que n'importe quel homme, et aussi manipulatrices et sans morales que toutes ces figures masculines qui régissent leur vie. Il faut rappeler que le film prend place dans les les années 50 où les femmes n'avaient même pas le droit de posséder un compte bancaire et de travailler sans l'accord de leurs maris. Et ces 8 femmes, jusqu'aux domestiques incarnées par Emmanuelle Béart et Firmine Richard, sont fortes et brisent les clichés de leur époque -et qui peuvent perdurer jusqu'aujourd'hui.
Alors bien sûr on peut trouver misogyne le comportement du personnage d'Isabelle Hupert, celui de Catherine Deneuve ou encore la femme fatale jouée par Fanny Ardant, car toutes ces femmes gravitent autour de Marcel et se présentent comme soumises à cette figure patriarchale. Mais l'idée d'Ozon est, selon moi, plus compliquée et le film montre des femmes écrasant un homme qui finit par vouloir mettre fin à la pression qu'elles exercent sur lui. D'une manière ou d'une autre.


C'est à la fois une comédie musicale, par les codes réutilisés par Ozon, qui fait sourire; un film policier, par l'intrigue et la trame de l'histoire, qui excite notre curiosité et un film psychologique, par la profondeur et la complexité de ses personnages féminins, qui rend perplexe.


Et c'est à la fin que l'idée de représenter ces 8 femmes par des fleurs prend toute son importance: elles sont belles, toutes ayant quelque chose -un secret ?- qui les rend si spéciales, et elles possèdent toutes leurs propres parfums. Mais à la fin elles sont semblables, ce sont des fleurs qui finiront par faner et par pourrir, comme le vernis de chacune de ces 8 femmes se craquelent peu à peu durant le film, jusqu'à permettre de voir au spectateur qui elles sont vraiment. Et elles sont fortes, hautes en couleur, ces femmes torturées, si libérées et pourtant toujours sous la coupe d'hommes comme leur époque le veut; et ici d'un homme en particulier, que leur vraie nature finira par


détruire.

july_pns
8
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le 7 juin 2015

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