Une descente aux enfers oubliable et vaine aux choix artistiques étranges.

Encore une fois, on marche sur la tête quand on sait que ce film a reçu deux prix à Cannes cette année ! D’abord, le prix d’interprétation masculine pour Joaquin Phoenix et ensuite le Prix du scénario ex-aequo avec le pénible et interminable « Mise à mot du cerf sacré ». Hormis, « 120 battements par minute » (Grand Prix du Jury) et « Faute d’amour » (Prix du jury) qui, tous deux, auraient pu prétendre à plus haute distinction, le reste du palmarès n’a ni queue ni tête et on en vient à se demander comment le Jury décerne ses prix et ce qui se dit lors des délibérations. Certes la sélection de cette soixante-dixième édition était pauvre mais justement, autant sacrer les meilleurs ! Bref, « A beautiful day » permet à Phoenix de ravir la timbale niveau acteur dans une œuvre où il n’est pas mauvais, loin s’en faut. Mais ce rôle mutique et quasi sans expression ne méritait certainement pas un Prix. Il en impose, son regard félin en dit beaucoup, sa dégaine faussement molle impressionne, mais on l’a déjà vu bien plus renversant ailleurs tout comme on a déjà vu ce genre de personnage bien mieux interprété ou en tout cas de manière plus marquante (Robert de Niro dans « Taxi Driver » par exemple et justement , cité grossièrement sur l’affiche).


« A beautiful day » se voit donc également offrir le Prix du scénario. Sauf que c’est peut-être le film de la compétition cannoise sorti jusqu’ici qui en a le moins ! Ce qui n’est pas forcément une critique ; mais quand on n’a pas vraiment d’histoire à se mettre sous la dent hormis une vague descente aux enfers à tendance rédemptoire, on se rattrape sur le reste. Et on a beau chercher, il n’y a pas vraiment de double niveau de lecture à l’horizon. De plus, le personnage principal dispose de problèmes psychologiques clichés et qui pèse des tonnes assénés par le biais de flashbacks trop rapides et maladroits et la ligne directrice principale se constitue d’une vengeance sans vraiment de raisons notoires et de caractéristiques tout ce qu’il y a de plus classiques. Toute la première partie du film, c’est-à-dire la moitié, il ne se passe pas grand-chose. On assiste à la présentation nonchalante d’un ancien soldat devenu tueur à gages dans un New-York interlope filmé de manière caricaturale. Les bas-fonds de la Grosse Pomme ont d’ailleurs été beaucoup mieux représentés par les frères Safdie dans « Good Times », autre film de la compétition cannoise autrement plus réussi dans le même genre.


Quand l’intrigue principale se met en place, Lynne Ramsay se borne à shooter son revenge movie de manière étrange, coupant au montage les accès de violence nécessaires à la vigueur d’un tel projet. Préférant nous offrir des plans alambiqués où elle se regarde filmer, la fin du film arrive vite et on se demande pourquoi la cinéaste a sabordé son postulat de base classique mais pas déplaisant de la sorte. Le film est très court (dans un sens heureusement, ce qui évite la lassitude) confirmant ainsi qu’elle n’a pas grand-chose à raconter, ni à nous proposer de bien convaincant. « A beautiful day » est donc un film d’auteur dans la lignée de ses précédents long-métrages tel que « We need to talk about Kevin » : attirant de prime abord mais au final assez vain et poseur. Pourtant, quelques plans interpellent, une bande sonore agressive mais aboutie marque l’oreille et de subites montées de violence sèche nous réveillent. Tout cela dessine par bribes ce qu’aurait du être son film, une mémorable plongée dans les entrailles d’une ville et de ce qu’elle accouche de plus horrible. Mais on a le droit qu’au squelette décharné de cette promesse, ce qui est d’autant plus triste et frustrant.

JorikVesperhaven
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le 9 nov. 2017

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Rémy Fiers

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