L'homme qui avait la tête dans un sac en plastique

  Vengeance, vengeance. Quand tu nous tiens par la vengeance. Tout ça pour ça pourrait-on ajouter. Un chevalier fantôme, dans une ville fantôme. Désincarnée. Méconnaissable, la ville. C’est plus une banlieue morcelée par un cadrage vidéoclip, qui est devenu la norme. C’est pas vraiment une ville. Maintenant tout ressemble à une ville. Le film de vengeance qui ressemble à un film d’auteur. La violence tombe par moments, puis c’est le silence. De la caméra. De l’acteur. De la ville. De la narration. L’idée est banale et basique. Un vétéran de guerre essaie de sauver son âme. La seule arme qu’il a à opposer à son passé traumatique, se sont ses poings serrés, avec lesquels il frappe de temps en temps. Et le passé se révèle par flash, ou actes manqués. Le suicide est à envisagé, vu l’état du monsieur. Joaquin Phoenix est comme coulé dans du béton, une épave dans une brute épaisse, pour film aphone. Bientôt le suicide.


C’est le synopsis le plus simple qu’on puisse imaginer. Aucun développement, d’où la question : « D’où sort ce prix du scénario à Cannes ? » A mon avis, Lynn Ramsay avait des potes dans le jury. Prix du meilleur montage à la rigueur. Mais du scénario…


Le marteau est devenu une figure imposée, lui aussi. Une arme de poing du cinéma contemporain. Tout le monde y va de son coup de marteau. Tous les films sont des films de genre. Rêve ou cauchemar, réalité froide, et espace domestique. Le personnage vit seul. S’occupe de maman. Dehors, il frappe. Simple. Visuellement réussit, mais aussi vain que formel. Justes des plans qui se suffisent à  eux-mêmes, et des clins d’œil appuyés à qui veut bien les voir. Psycho.


  Lynn nous fait son cinéma. Le problème est qu’elle semble incapable de se détacher de l’ombre des ses modèles. D’où le sentiment de déjà-vu. Le psycho de Beautiful Day, n’arrive pas à la cheville du Taxi Driver dont il s’inspire ouvertement. Le personnage joué par DeNiro sombre littéralement. Le vétéran joué par Phoenix est déjà mort, bien avant le début du film, et n’a rien à nous apprendre. Les dialogues ? Faut pas trop demander, quand même. Restons évasifs. Le seul moment de grâce. C’est un moment d’évasion mal placé.  Les funérailles de maman. Maman est morte, ou plutôt, on l’a tuée.


Vengeance, vengeance.


   Funérailles très naturalistes, je dirais. Belles, en pleine nature. Un retour aux sources, à la verdure, à l’eau. Et quand l’antihéros pénètre dans l’onde, avec maman dans les bras, on dirais une résurrection. Une piéta inversée, version new-wave. Très beau. Il s’enfonce, lentement. Disparaît. Puis renaît. Vengeance.  Ça continue encore et encore. Un thriller tellement déjà-vu, que je me demande même le pourquoi de la sélection à Cannes. Cannes, qui ressemble de plus en plus à un festival mainstream, consensuel, et pseudo intello. C’est lent parce que ça pense à quelque chose, ou ça ne pense pas, donc c’est lent ?


  Seul compte le corps-machine qui set à broyer les autres corps, bête et manipulable. Victime autant qu’antihéros. La lolita de service, elle fait l’effet d’un corps rapporté, aucun réel intérêt. Et la fin l’est encore plus, téléphonée. La violence est extrême et elliptique. Les taches de sang sont éclipsées par caméra surveillance interposée, par cadrage fuyant. Montage précis à coup de cutter. Bien propre. Tout ça pour dire quoi ? Je suis un thriller de plus ? Trop référencé pour être original ? Trop entre deux eaux pour être réellement efficace ?


Je suis tape dans l’œil, tel un coup de marteau dans l’occiput. Dans un monde sans questions, sans morale, sans psychologie, sans rien, la violence n’est qu’un élément de plus dans du décor. Le phantasme de la Lolita, est posé, là. Le problème de la pédo-criminalité, envisagée peut-être un moment. Le complot aussi. Un peu confus, tout ça. Le thriller est biaisé. Le héros pas assez futé, et la réalisatrice se regarde trop filmer. Trop académique finalement. Beaucoup plus que prévu. L’ambiance sombre et mortifère, ne suffira pas à imprégner les esprits. Salut, Joaquin. Ou plutôt Joe.


On l’oublie vite, Joe.


Il s’appelle Joe.

Angie_Eklespri
6
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le 14 mars 2019

Critique lue 132 fois

Angie_Eklespri

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