Des hommes, et une femme. La Femme. Une femme dont Kim Jee-woon saisit la beauté en quelques plans, des détails à la précision des estampes chinoises, un geste enfantin pour se recoiffer, une robe diaphane dont la lumière se joue, des mains d’une délicatesse terrifiante, un rire d’une spontanéité trop humaine. L’entrée en scène d’Hee Su a été travaillée avec un soin magistral, son mari ayant précédemment loué sa jeunesse pour mieux éveiller notre curiosité. Et pourtant cette Hee Su n’est pas une beauté parfaite, mais une séquence d’à peine 3 minutes, une séquence où rien n’est laissé au hasard, suffit à nous séduire.
Pour cette femme unique, ou à cause de cette femme, objet de la jalousie démoniaque de son mari, des dizaines d’hommes vont s’entretuer. Je n’ai pas pu ne pas penser à l’Iliade, à Hélène dont la beauté avait engendré la guerre de Troie, qui dura dix ans. Ce n’est pas un film sur la vengeance, comme je l’ai lu, c’est un film sur la femme, et même sur le sourire d'une femme, un sourire pour lequel tous les hommes sont prêts à sacrifier leur vie.
Esthétiquement, la réalisation est réussie. Le film s’ouvre et se termine sur des citations intelligentes. Les personnages sont taillés au ciselet. Je dois tout de même reconnaître que j’ai eu peur de m’ennuyer arrivé au milieu du film, il y a quelques temps morts, mais le rythme de la dernière demi-heure a effacé cette mauvaise impression. Le montage, avec ses flashbacks quasi-subliminaux, donne enfin et pour finir une réponse à la question posée par le mari d’Hee Su, et la réponse aux questions que nous nous posions.