A la suite de notre Polisse national, l'Italie offre aussi un long-métrage sur sa police avec un titre classe, A.C.A.B (All Cops are bastards). Toutefois, on s'épargne les errements de Maiween s'obstinant à montrer sa famille à l'écran alors qu'on n'en a strictement rien à foutre. A.C.A.B (All Cops are bastards) lui va droit au sujet et frappe aussi fort qu'une matraque. On quitte les Mœurs pour aller faire un tour chez la police anti-émeute pour un autre reflet pervers de notre société actuelle, le racisme.

Le long-métrage est adapté d'un roman, lui-même inspiré de faits réels, ayant provoqué une énorme polémique : l'auteur y dénonçant les dérives de la police italienne. L'adaptation n'a pas été sans peine selon les dires du réalisateur, Stefano Sollima (fils de Sergio Sollima), car le roman multiplie les points de vue et est difficilement racontable. Ainsi, Stefano Sollima a pris le pari de concentrer son film sur le point de vue des CRS italiens, toutes les parties du livre concernant les supporters sont supprimées. J'estime ce choix regrettable car s'ouvrir sur deux mondes opposées peut se révéler diablement intéressant surtout en permettant d'annihiler le côté bien ou mal mais on comprend cette nécessité pour obtenir une durée correcte et finalement le réalisateur n'a pas besoin du point de vue des supporters pour exprimer cette frontière floue entre les forces de l'ordre et les voyous à l'aide d'un ingénieux rebondissement.

Dans A.C.A.B (All Cops are bastards), on s'attache à Cobra et son équipe (Negro et Mazinga) tout en prenant aussi le point de vue d'un bleu, Adriano, débarquant dans l'équipe. Comme pour Polisse, on suit l'équipe dans son quotidien sauf que les évènements sont loin d'être de « banales » affaires de mœurs. On est ancré parmi les pires violences qu'ait connues l'Italie comme le passage à tabac mortel d'un supporter de football par des policiers en 2007. Ces évènements ont le don de pousser à bout les différents protagonistes et l'escalade de la violence urbaine subit un bond impressionnant surtout que l'intrigue se situe à Rome, cité antique connue pour son racisme.

Le réalisme avec lequel s'attache le réalisateur pour mettre en scène l'histoire est impressionnante toutefois les émotions récupérées sont ceux à peine effleurées dans Polisse (préférant concentrer son histoire sur les relations sociales et l'injustice). Ici, les personnages marquent par leur côté macho et dur à cuire. Dès le générique d'ouverture, on est confronté à leurs côtés borderline rappelant les flics de la série culte The Shield poussant la même réflexion: la fin justifie-t-elle les moyens?

Si le A.C.A.B (All Cops are bastards) offre des passages chocs, les plus notables sont surtout les affrontements contre les supporters de football, véritables créatures assoiffées de sang. D'autant plus marquant que seul le point de vue des policiers est présenté, en face on ne voit que des mecs encagoulés similaires à des entités démoniaques débitant insanités et jetant pierres et glaviots. La haine monte facilement tant les policiers y sont traités comme des moins que rien et sont bien moins nombreux que les mecs d'en face. Cette cristallisation de la haine est surtout née de la peur, une peur démontrée par Cobra au cours d'une séance au tribunal (une des meilleures scènes du film).

Le film permet d'offrir un point de vue sur une branche de la police méprisée par la majorité des citoyens car elle est surtout symbolisé par ses déviances. Il est donc intéressant avec A.C.A.B (All Cops are bastards) de s'installer à leurs côtés et de vivre avec eux l'anarchie des affrontements où on sent que tout peut basculer sur la moindre insulte, sur le moindre regard de travers. On comprend nettement mieux leur agressivité sans oublier les gestions politiques qui ont été plus que déplorables ces années-là (le règne Berlusconi). C'est là l'intelligence du réalisateur de ne jamais totalement prendre parti mais plutôt d'offrir une vision neutre. Après une telle vision, il devient plus difficile de condamner les dérives visibles lors du journal télévisé car comment ne pas pardonner à ces individus jetés dans la fosse aux lions face à des hommes portant des tatouages A.C.A.B malgré tout, certains actes demeurent impardonnables.

Les acteurs, pour la plupart méconnus pour ceux ne suivant pas le cinéma italien, affichent tous une belle prestation et font vivre leur personnages (un peu à la manière de ceux de Polisse). La réalisation offre de beaux plans et de belles mises en scène comme les affrontements que j'ai déjà cités mais surtout les différentes confrontations verbales du film où la tension est accrue à l'aide de découpages ingénieux sur des gros plans (il faut dire qu'avec de tels acteurs, la mission semble déjà plus facile).

Dommage toutefois pour la fin abrupte nous laissant sur notre faim, empêchant donc le film de s'installer comme une valeur sûre du film policier mais pour une première réalisation, Stefano Sollima s'en est bien sorti et mérite son prix Sang Neuf obtenu à la quatrième édition du Festival International du Film Policier de Beaune. On attend de voir la suite de sa carrière.
Marvelll
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le 13 juil. 2012

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