Si les fleurs du vent sont des papillons alors Chiara est un aigle. Regard acéré, agile, vive et vivante. Queue-de-cheval trotte sur tapis de course, elle souffle et avance sur place, tourne en rond sur une ligne droite. Chiara, 15 ans, vit dans une petite ville de Calabre, Gioia Tauro précisément, là où Jonas Carpignano a déjà remué sa caméra lors de ses deux premiers longs-métrages Mediterranea (2014) et A Ciambra (2017). Après avoir exploré la facette de la communauté africaine, puis celle de la communauté rom jadis nomade devenue sédentaire, le réalisateur italo-américain clôt son triptyque avec A Chiara en s’intéressant à la Malavita (la vie criminelle), la vie mafieuse de la Ndrangheta, considérée comme l’une des plus dangereuses, car contrairement aux autres, à ses voisines siciliennes ou napolitaines, elle ne repose que sur les liens du sang, la famille au sens strict, n’acceptant personne d’extérieur au clan, évitant ainsi les repentis.


Explorant dans un second temps l’économie souterraine et ses passages secrets, le film s’ouvre d’abord en surface, sur une scène ample comme les ailes d’un aigle. Est alors filmé un anniversaire, celui de Giulia, la sœur de Chiara, qui permet de réunir la famille entière voire au-delà, pour une fête italienne et clanique comme ils savent les vivre et les restituer. Durant la soirée, bien que les apparences soient festives, les gorges se nouent, les embrassades se font étouffantes, les lumières crispent les yeux. Puis, les esprits se diluent dans l’alcool, les reines de la nuit tentent encore de briller mais, au lendemain, le père de Chiara s’enfuit, disparaît sans laisser de traces. Chiara décide alors de mener l’enquête pour le retrouver.


En faisant le choix d’un casting rapproché (la famille à l’écran est jouée par la famille Rotolo), le réalisateur a décidé, à travers sa caméra elle aussi rapprochée, de battre des ailes entre le territoire du documentaire et celui de la fiction. Presque toujours devant ou derrière Chiara, quand elle n’en fait pas le tour, la caméra scrute l’œil vif de la jeune éruptive qui utilise ses serres, non pas pour attraper sa proie mais pour en échapper. La musique additionnelle et les variations de rythme ne font que traduire les émotions des personnages, leur désorientation comme leur jovialité, offrant une atmosphère vivifiante. Sans ses ailes, la Mala Vida lui tendait les bras. Pourtant, si les fleurs du vent sont des papillons alors Chiara est un aigle, chapardeur de mystères, royal dans la manière qu’il a de vivre sa vie, toujours agile, toujours vif, toujours vivant.


Ma critique imagée : https://lestylodetoto.wordpress.com/2021/07/24/a-chiara-mala-vida/

thomaspouteau
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le 24 juil. 2021

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