C'est l'histoire de poupées qui dansent en rêvant

Le scénario est présenté comme un nouveau « Shutter Island » (ce sur quoi je ne suis pas complètement d'accord). Il met en scène un jeune cadre ambitieux qui, à la suite d'irrégularités sur un dossier important, doit « faire face à ses responsabilités » en se chargeant d'un sale boulot. Le sale boulot en question consiste à se rendre dans un centre de soin thermal pour convaincre le PDG de la société qu'il serait de bon goût de ramener son popotin avant une fusion importante de l'entreprise.


Le film démarre par ailleurs sur un magnifique plan d'un building vu de nuit. Je dis magnifique et encore je pèse mes mots. Le soin apporté aux plans, à chaque séquence est remarquable et la plupart des vues m'ont subjuguée au point que je me suis demandé si le réalisateur, Gore Verbinski, n'était pas un peu peintre aussi. Le jeu de miroirs et sur les reflets qu'on retrouve tout du long est aussi magnifique. Les musiques de Benjamin Wallfisch sont fabuleuses et complètent parfaitement le tout.


Mais pourquoi ? En dehors de l'aspect purement esthétique je me demande si il n'y a pas le message sous-jacent que le film se fait le reflet de certains travers de notre société et qu'il faut se méfier des apparences et de l'eau qui dort.


Les travers de notre société.


Le film est centré sur de très riches personnes (PDG, et autres) qui ne semblent pas accorder beaucoup d'importance à ce qui ne concerne pas directement leur intérêt. Elles sont entourées d'autres personnes qui sont prêtes à tout (même à devenir malhonnêtes comme notre héros) pour entrer dans leur bonne grâce et améliorer leur condition sociale.


Ainsi, nous entamons le film par une scène qui va voir « l'employé de l'année » succomber seul à une crise cardiaque dans la solitude de son bureau. Les portraits d'autres employés de l'année s'alignent comme autant de trophées de chasse sur le mur, la nuit est belle et la lumière des écrans sur lesquels défilent les chiffres de la bourse n'arrive pas à réchauffer le climat glacial qui accompagne la mort de cet homme. Sur son bureau pas de photo de famille, rien qui ne concède un bref aperçu de ce qui aurait pu accompagner une vie sociale. Il n'a même pas le temps de lire une lettre personnelle « de quelqu'un dont il est proche » et qui est en cure thermale... Sans doute comptait il le faire plus tard.


Et notre héros ? Lockhart lutte avec force et rage dans ce jeu pour lui aussi gagner plus. Mais ce qui est pathétique c'est que son souhait est celui d'un gamin qui n'a que le bien être de sa mère à l'esprit, puisqu'il veut envoyer cette dernière dans un meilleur établissement (ou « mouroir » si on reprend les mots de la génitrice).
Du coup on en vient à avoir de l'empathie pour ce type qui ne respecte ni le sommeil des voyageurs d'un train, ni ses collègues, ni la politesse élémentaire avec un contrôleur ni même le souhait d'un malade d'être tranquille et de prendre soin de lui.


Une fois sur place, on lui diagnostiquera suffisamment de problèmes (il a une vie bien saine pourtant) pour justifier une petite pause thermale en attendant son patron...


Bref, d'entrée de jeu, le propos est intéressant et fort bien amené.


Méfie toi de l'eau qui dort.


Tout le reste joue sur les apparences et sur l'envers des cartes.


Cette jolie cure est très différente de la maison de retraite de la mère et chacun des occupants semble se complaire dans un bonheur absolu au point de ne plus souhaiter en partir. Pourquoi partir d'ailleurs quand on a les moyens de se payer ce luxe ?


Petit à petit les apparences se révèlent au gré d'hallucinations. L'effet est bien mesuré, la tension monte et l'effroi est là sans jamais être trop prévisible ni grossier (attention quand même certaines scènes sont d'une violence à la limite du supportable, enfin sur mon échelle du supportable). Les annonces existent bien


(la poupée qui danse en rêvant qui sera la danse d'Hannah dans le bar par exemple)


mais elles sont toujours assez fines.


Mais plus les minutes avancent, plus ce qui était pur et limpide devient sombre et malsain.


Bref je pourrai en parler encore longtemps mais j'aurai peur de vous gâcher le plaisir. Tout est un jeu de reflets


(la vache blessée qui va être abattue et les patients qui sont « traits », Lockhart qui est le reflet de son père au point de s'identifier à lui dans ses souvenirs, Hannah qui est le reflet de sa mère ce qui va causer son malheur...).


Le seul bémol à mon sens, et pas des moindres, est le changement de direction que prend le film dans son dernier quart.


Si l'ensemble s'était arrêté sur le banc par la confrontation d'Hannah et de Lockhart c'eut été parfait selon moi.


A partir de là, le film prend un tournant fantastique, oublie la suggestion et même le jeu des acteur m'a semblé plus grossier.


Bref j'ai hâte de lire vos avis car j'ai le sentiment qu'il y a beaucoup à dire sur ce ce film.


Dernière chose: quelqu'un pourrait-il m'expliquer le changement de titre pour la version diffusée dans nos salles? Je ne comprends pas trop l'intérêt de passer de « A cure for wellness » à « A cure for life ». D'autant que le titre original est bien plus adapté.

Chocodzilla
7
Écrit par

Créée

le 16 févr. 2017

Critique lue 1.1K fois

11 j'aime

9 commentaires

Chocodzilla

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

11
9

D'autres avis sur A Cure for Life

A Cure for Life
Fritz_the_Cat
5

Le Maître du Haut Château

[L'article sur le blog Lucy met les voiles] Une preuve supplémentaire que Verbinski n'est pas l'homme d'un seul film, même si son dernier bébé est loin de tenir toutes ses promesses. Apparu au XIXe...

le 15 févr. 2017

101 j'aime

14

A Cure for Life
Laaris
4

Lucius Malfoy et le scénario de s'emmêler

Vingt ans après la défaite de Voldemort, Lucius Malfoy s'est coupé les cheveux et a transformé Poudlard en un sanatorium qu'il dirige d'une main de fer. Et si le basilic n'est plus là pour zoner dans...

le 22 févr. 2017

60 j'aime

4

A Cure for Life
Frédéric_Perrinot
8

BioShock (Spoilers)

Après une décennie à avoir baigné dans les blockbusters de studio, Gore Verbinski tente de se ressourcer avec son dernier film, faisant même de cela la base de son A Cure for Wellness. On ne peut...

le 17 févr. 2017

59 j'aime

3

Du même critique

L'Épopée de Gilgameš
Chocodzilla
10

Quand une fois de plus les dieux se jouent de l'Homme

En bref pour le contexte: Cette épopée rassemble les textes de douze tablettes mésopotamiennes. Rédigée en cunéiforme, soit avec ce qui est actuellement la plus ancienne écriture que nous connaissons...

le 2 nov. 2016

25 j'aime

1

On l'appelle Jeeg Robot
Chocodzilla
9

Critique de On l'appelle Jeeg Robot par Chocodzilla

Les films de surper-héros on connaît. On connaît même bien puisque les sorties régulières en viendraient presque à nous fatiguer du genre. Bons ? Mauvais ? Tout le monde se tire la bourre. Les «...

le 5 févr. 2017

21 j'aime

1

A Cure for Life
Chocodzilla
7

C'est l'histoire de poupées qui dansent en rêvant

Le scénario est présenté comme un nouveau « Shutter Island » (ce sur quoi je ne suis pas complètement d'accord). Il met en scène un jeune cadre ambitieux qui, à la suite d'irrégularités sur...

le 16 févr. 2017

11 j'aime

9