C'est un conte de fées, avec sa ritournelle murmurée par une voix pure, qui rappelle le ruissellement de l'eau.
C'est l'histoire d'un jeune homme ambitieux, claquemuré dans une mégapole de verre gris et de métal, qui s'en va récupérer le PDG, partie pour une cure dont il ne veut plus revenir. Il l'a écrit, ses froids collaborateurs le déclare donc opportunément fou, et ils ont besoin de sa folie pour régler un gros pépin...
Le jeune homme entre alors de plein pied dans le conte, au sein d'un paysage d'une exceptionnelle beauté, armé de ses dossiers qui ne lui serviront plus, de son ordinateur et de son téléphone, qui ne fonctionneront plus, sa montre qui s'arrêtera, comme le temps qui va suspendre sa course.
Au loin, voici un château qui se profile, il ne sait pas que sa quête commence.
... Et nous plongeons dans un cauchemar éveillé, maléfique et toxique. Une femme-enfant pure, des médecins et des soignants beaux, blonds et fantomatiques, un directeur séduisant, des patients exsangues qui s'agitent silencieusement, pareils à des pantins.
Des piscines qui sont des lacs et des étangs, des couloirs qui sont des labyrinthes, des chambres qui sont des geôles, des flacons bleu poison qui auraient plu à Lewis Carroll, des sous-sols qui sont des grottes menaçantes et mystérieuses, des souffles qui rappellent les grondements de bêtes mythiques. Et sans cesse, omniprésentes, de lascives anguilles.
Gore Verbinski mène avec une rare maestria une danse extrêmement malsaine et macabre où il réactive nos peurs enfantines, la terreur primale de la perte de notre intégrité physique, un tissage fantasmatique de personnages doubles et troubles : les paysans mal éduqués, robustes et violents vivotant au pied du château, les seigneurs riches dont la santé s'effrite inexorablement.
Dane DeHaan/Lockhart est le loser, le détective mais aussi le prince. Sa perfo est hallucinante, c'est un acteur d'une immense sensibilité, qui n'a pas peur de montrer sa fragilité et dont le bleu lumineux de ses yeux éclaire une histoire sinistre.
Jason Isaacs/Dr Volmer incarne la force manipulatrice, torturée et torturante, négatif du jeune homme qui devient son patient et qui va se transformer en double masculin de la femme-enfant, jouée par la gracile Mia Goth/Hannah, dont le personnage hésite entre l'innocence et la force.
C'est une œuvre toute en nuances de couleurs, passant de lieux bucoliques aux tons pastels, couleurs de jardins anglais, à l'intérieur carrelé glacial et cubique du gigantesque sanatorium. Au-delà des créneaux, il y a les Alpes majestueuses, sentinelles intemporelles d'un conte dont la finalité laisse émerveillé mais aussi laissant poindre une sourde inquiétude. Comme le sourire de Dane/Lockhart...

Elisariel
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le 29 juin 2017

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Elisariel

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