Sabina Spielrein, une jeune femme souffrant d'hystérie, est soignée par le psychanalyste Carl Jung. Elle devient bientôt sa maîtresse en même temps que sa patiente. Leur relation est révélée lorsque Sabina rentre en contact avec Sigmund Freud...
Après des films teintés de drame fantastique (Scanners, la Mouche et Le Festin Nu) et deux films inspirés par l'univers mafieux (A History of Violence et Les promesses de l'ombre) David Cronenberg se tourne vers la psychanalyse en adaptant un livre et une pièce de théâtre. Le sujet avait déjà été abordé de façon latente ou frontale dans la filmographie de l'illustre cinéaste. De Vidéodrome à Crash, en passant par Spider, chacun de ses films nous invitent avec fascination à un étrange voyage au plus profond de notre chair et de notre âme, qu'il s'agisse de pulsions sexuelles, corporelles ou bien encore fantasmagoriques. Il est alors guère étonnant de le voir théoriser sur un thème toujours lancinant à travers sa carrière lorsqu'il choisit de s'intéresser au conflit qui a opposé Sigmund Freud et Carl Jung au sujet d'une jeune patiente, Sabrina Spielrein, et qui allait être déterminant pour l'avenir de la psychanalyse.
Pour son premier film d'époque, Cronenberg fait preuve d'une étonnante sobriété. Contrairement à ses précédents films au sein desquels les jeux de lumières et de contrastes étaient pré dominants, le réalisateur s'attache à conserver un style visuel plutôt classique afin de se focaliser sur les protagonistes et leurs interactions au cœur même de l'intrigue. La mise en scène se présente donc remarquablement sereine, immobile, presque statique, illuminée par une photographie éblouissante de clarté, quasiment comme un contrepied à la filmographie du réalisateur canadien que l'on a connu plus inventif, subversif et audacieux par le passé.
Au niveau du casting, Michael Fassbender montre une fois de plus l'immensité de son talent dans la peau de Carl Jung (Oscar 2012 in ze pocket ? ), alors que le vaillant Viggo Mortensen avec son physique massif de bucheron canadien a bien du mal à revêtir les frusques du bon vieux docteur Freud tandis que Keira Knightley insuffle la folie nécessaire à son personnage (bien que parfois grimaçante à l'outrance, au point où l'on en arriverait à se demander si elle ne livre pas un hommage dissimulé à Jim Carrey ). Certes Fassbender et Mortensen jouent de façon juste, mais ils sont malheureusement limités par un scénario qui ne tient pas toutes ses promesses. Celui-ci se contente d'aborder en surface les véritables enjeux de la psychanalyse, la faute à des évènements peu approfondis et des ellipses un peu trop nombreuses. Sans doute aurait il fallu s'attarder un peu plus sur les personnalités de ces deux pères de la psychanalyse moderne afin de comprendre l'essence de leurs échanges au fil de leurs rencontres, plutôt que de le résumer à une sorte d'affrontement d'égos.
Au final, dans cette « Méthode Dangereuse », David Cronenberg découpe au scalpel les deux plus grandes figures de la psychiatrie et leur création névrotique, mais il lui manque la chair névrosée de Dead Ringers ( Faux Semblants), son plus grand chef d'œuvre qui proposait déjà une plongée vertigineuses dans les abysses de la psyché à travers la dichotomie de ses faux frères siamois ( incarnés tous deux par le merveilleux Jeremy Irons ). Sans être un biopic fidèle ni une introduction exhaustive à la psychanalyse, « A Dangerous Méthod » reste un film mineur dans l'œuvre cronenbergienne en se montrant extrêmement propre et distancié par comparaison à des films intimement viscéraux, mais cette dernière réalisation n'en demeure pas moins intéressante puisqu'elle se penche sur le cas des premiers hommes qui ont écouté la chair et ses désirs.