Force est de constater que si A Ghost Story n'était pas une attente insoutenable, il n'en était pas moins une curiosité, dans le genre monstre de foire, ce film semblait bien parti pour trôner hors des sentiers battus.
Le fait que David Lowery soit derrière l'étrange objet n'était pas non plus pour me rassurer, n'ayant que très peu adhérer à ses Amants du Texas, porté par les mêmes têtes d'affiches d'ailleurs. Ce n'est pas non plus son passable et très classique Peter et Elliott le Dragon qui pouvait m'enjouer.


C'est donc forcément une surprise, étonnante et troublante surprise. Enfermé dans le noir, le casque sur les oreilles, les yeux vissés sur l'écran, j'ai été hypnotisé et enchanté par ce film qui au-delà de se pencher sur le deuil, se penche aussi sur l'espoir et le temps.
Lowery qui est ici scénariste et réalisateur a toutes les cartes en mains pour faire le film qu'il entend, visiblement personne ne lui a mis des bâtons dans les roues tant ce film intimiste au possible respire la vision d'un cinéaste.
Nous spectateurs suivons cette tragédie de la vie, accompagné du drame de l'après mort, à travers une diapositive du temps, cadre serré aux contours arrondis, nous sommes tout comme le ghost, spectateur des événements. Qui s'ils semblent au premier abord s'attarder sur le deuil d'une jeune femme après l'accident brutal et hors champ de son mari musicien, s’agrandissent peu à peu pour dévoiler un plus large dessein.


Quelle surprise de voir qu'à environ 50 minutes de film, nous passons à autre chose, que la question du deuil n'est vraiment plus la priorité, que l'espoir et l'attente prennent le pas. Cela permet également de renouveler les errements et de déployer un espace-temps évolutif sans tomber dans la grossièreté d'un simple timelapse.
Lowery semble se poser des questions, la plus évidente semble être celle de la mort, y a t-il un au-delà ? Si oui, nos proches nous attendent-ils vraiment ? Combien de temps ? Comment sont-ils ? Le choix cliché du fantôme vêtu d'un drap blanc et de ses deux yeux noirs profonds est tellement juste, tellement étonnant et jamais ridicule. La tête d'affiche, Casey Affleck, glissé sous un drap pendant plus d'une heure, et pourtant l'émotion est là.


Une claque de mise en scène, au-delà du cadre arrondis et de ce 4:3, nous sommes face à une photographie sublime, presque vintage, ce qui nous perd déjà dans le temps, comme la fin du film le fera à son tour.
Une réalisation qui parait simple, pas classique, loin de là selon moi, mais terriblement simple, bercé de plans séquences, de cadres fixes, sans jamais pourtant me faire sortir du métrage une seule fois, même pas durant la scène du gâteau. J'en connais et j'en imagine qui péteraient un câble sans problème devant la lenteur et la contemplation d'une telle scène, la veuve goinfrant son gâteau assise contre un meuble de cuisine, ça dure, ça dure... Je me suis même surpris à ne voir le fantôme qui l'a regardait pourtant depuis le début que quelques secondes après, tellement je me focalisais sur elle. Une scène pleine de sens qui nous confronte au deuil comme rarement, ici aucun hurlements hystériques, de rivières de larmes, un simple besoin de compenser une perte, jusqu'au moment où la compensation ne passe plus.


Ma perle, Rooney Mara, incarne cette veuve, terriblement sincère dans son interprétation parfaite, elle côtoie à nouveau Casey Affleck, son amant du Texas. Le seul film où j'arrive à trouver Rooney moins belle car authentique, son visage est filmé en gros plan pendant plusieurs minutes, sans maquillage, et je m’aperçois qu'elle n'est pas si parfaite, et pourtant elle reste belle.
Bref, je divague, car là n'est pas le sujet, le duo, comme les quelques autres intervenants sont d'une sincérité bluffante.


David Lowery réalise clairement une des grosses surprises de l'année, un coup de cœur pour cette œuvre dont l'affiche est déjà magnifique. Techniquement à part, original, contemplatif et poétique, bordé d'une bande son incroyable, en osmose avec le reste. Les bruits, l'ambiance sonore est également dingue, écouter ce genre de film avec un casque décuple beaucoup de choses que je n'aurais surement pas eu sans, cela renforce complètement le cadre hypnotique.
Une œuvre intimiste au bord du réel, sans pour autant verser dans un fantastique complet, puisqu'au fond, ce fantôme est-il bien réel ou n'est-il qu'un fantasme du spectateur, qui est-il de plus, le mari ? Tout du long ? Ou un simple voyageur du temps qui une fois l'espoir anéanti par un bout de papier disparaît pour laisser sa place ? Un bout de papier qui signifie quoi ? La liberté ou l'espoir perdu ?


Difficile de vraiment se placer finalement, tant l'errance nous a rendu au fil du temps trop confiant, nous sommes bousculé par un dernier geste qui retourne tout, à nous de l'accepter et de passer à autre chose.

-MC

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