"L'éternité, c'est long, surtout vers la fin." A Ghost Story fait irrémédiablement penser à cette phrase de Woody Allen, non pour souligner l'ennui ressenti devant le film de David Lowery (notion très relative et propre à chacun) mais pour évoquer son triste héros, condamné post-mortem à une solitude terrible et contemplative. D'aucuns, et ils seront nombreux, pointeront du doigt les prétentions auteuristes du réalisateur de Les amants du Texas mais on pourra aussi arguer qu'au contraire A Ghost Story laisse la place à la réflexion individuelle et à une interprétation personnelle de ce qui est montré dans cette sorte de purgatoire qui emprunte des chemins narratifs surprenants, défiant le passage du temps, agissant par ellipses temporelles saisissantes dans un constant vertige. Il ne se passe rien dans le film ? Voire. Mis à part une scène un peu tarte, il se passe pourtant bien des choses, peut-être pas d'un point de vue factuel mais davantage sensoriel derrière le drap blanc du défunt, à condition de s'identifier en quelque sorte à celui-ci. Dans un sens, A Ghost Story permet de se mettre à la place du mort, situation inconfortable mais incroyablement riche en sensations pour peu qu'on se laisse prendre par la main. Presque pas de dialogues, une B.O magnifique et des plans fixes qui se succèdent comme dans un film japonais de la grande époque : il est impossible de ne pas penser à Malick, si celui-ci ne nous assommait pas par ses voix off et ses extravagances cosmico-religieuses, mais aussi à Dreyer et plus globalement au cinéma muet. C'est évidemment un film d'une poésie rare mais comme l'ennui, ce sentiment ne s'impose pas à chacun de la même façon. A Ghost Story prouve au moins que les écrans peuvent abriter autre chose que des blockbusters, spatiaux ou pas. On a le droit de ne pas aimer le film mais on peut aussi le trouver sidérant et beau comme un objet en partie hermétique et pour cette raison aussi, captivant comme une expérience paranormale.

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le 20 déc. 2017

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