Une veuve, un fantôme sous forme de drap, une petite maison américaine, peu de dialogues, des silences à la fois pesant, mélancolique et réaliste, une image en format polaroid, A ghost story, un film indépendant qui ne sera pas au gout de tout le monde. Si vous cherchiez à voir une œuvre totalement différente de tout ce que vous avez pu voir jusque là en terme de drames, ne cherchez plus, ce film est fait pour vous. Pour le meilleur, et pour le pire. Mais pourquoi le pire ?


Quand étrangetés et émotions humaines s’entremêlent


A ghost story, le film dont tout le monde parlait, le décrivant comme un pur chef d’œuvre. Une sorte de Ghost sans Patrick Swayze avec un fantôme finissant par établir un contact avec sa bien aimée? Un film d’horreur ? Aucun des deux, hélas. Curieux comme je suis, tout en étant méfiant en ayant un peu peur de déprimer en regardant ça, je me suis finalement lancé. Particulier, mélancolique, silencieux et long, TRES long, TROP long. C’est ce qu’il me vient à l’esprit.


Oh oui j’ai baillé, j’ai somnolé, j’ai regardé ma montre alors que le film ne faisait qu’une heure trente, je savais au plus profond de mon cœur que derrière ces images et cette narration originale ce cachait un message profond que je mettrais du temps à trouver. Pourtant, ça ne m’a pas empêché d’être quelque peu frustré à la fin. Il faut dire qu’un film où vous passez la totalité de l’intrigue à suivre en silence un fantôme sous un drap, anciennement mari aimant, devenu spectateur de la vie que fut la sienne, ça n’a rien de très intéressant.


Et pourtant, à y réfléchir de plus près, plus j’y repense, plus je me dis que ce film résume assez bien notre existence. Imaginez si quelqu’un filmait votre journée complète et vous montrait le rendu le lendemain. A ghost Story, ça sera pire puisque ça parlera de ce qu’il pourrait se passer dans ce monde invisible aux yeux des hommes, celui du monde des morts. Ca fait mal, ça fait très mal. Difficile de ne pas s’imaginer à la place de notre protagoniste n’étant plus qu’un simple esprit ayant manqué la porte du paradis, ou de sa femme se remettant difficilement de son décès, tentant de commencer difficilement une nouvelle vie sans l’amour de sa vie. Le temps et la mort sont évoqués et le réalisateur ne prendra pas de gants pour nous les illustrer.


You're my heart, you're my soul, I'll keep it shining everywhere I go


Les paroles de la chanson de Modern Talking raisonnent à travers ce film même si ce tube n’y est pas. Cependant cette chanson absente, résume bien notre histoire et ce que représente l’amour éternel. Alors que les sentiments restent, tout le reste n’est qu’un éternel recommencement. C’est poétique, c’est parfois dur, injuste à voir, mais la vie, malheureusement, c’est ça. La vie, l’amour, la mort, le but de ce film : nous montrer que la vie est éphémère et que nous n’avons aucun contrôle sur notre destinée.


Puis il y a cette temporalité où on finit par ne plus savoir si l’on est dans le passé ou dans le futur. Particulièrement à ce moment où les décors changent et donnent la sensation d’être tombé en pleine œuvre de Philip K.Dick. O Rick Deckard où te caches-tu ?! Là encore, on s’imagine à la place de notre fantôme complètement paumé, incapable d’utiliser correctement ces anciennes facultés de vivant. Il est là, il hante son ancienne maison, il est connecté à elle, il arrive à un moment à faire voler des objets et donc laissé aller sa colère éprouvée depuis qu’il est à l’état de spectre (seul passage un poil horrifique), et il suit sa femme avant de la perdre à nouveau parce qu’elle doit laisser son passé pour avancer.


Notre fantôme, lui, il n’arrive pas à quitter sa maison, seul souvenir de sa femme. Et puis il y a ce petit message inscrit sur un papier caché dans un mur qu’elle a laissé et qu’il peine à récupérer. Qui y a-t-il d’écris dessus ? Est-ce qu’une fois récupéré et lu, le fantôme trouvera enfin la paix qu’il méritait ?


C’est atroce, atroce de suivre ce personnage emprisonné dans l’éternité, atroce de voir ce qu’il se passe quand on quitte ce monde, atroce de perdre toute notion du temps. Le deuil, la mort et l’éternité ont été parfaitement retranscrits. Là, on peut crier au génie. Certes, ça ne gommera pas pour autant toutes ces minutes d’ennui qu’on aurait largement pu remplacer par quelque chose de plus joyeux et constructif mais vivre une expérience cinématographique de la sorte, c’est rare. Une première dans le genre.


Au final, A Ghost story n'est pas mauvais, il est particulier. Bien mis en scène, bien interprété, le peu de musiques sont touchantes, certaines sont profondes et poétiques. Oui c'est très lent, oui ça donne la sensation de voir une vidéo pouvant très bien être diffusée dans un musée d'art moderne, oui voir une femme manger une tarte pendant 5minutes ça n'a rien de passionnant, mais c'est ça la vie. La solitude, le deuil, la vie après la mort, l'attachement, le regret, l'attente, le vide, l’inactivité, et puis la mort. Contemplatif et poétique, ni entièrement muet, ni entièrement en vue d’intérieur, A ghost story est beau, c'est un fait, mais narrativement, malgré son joli message et ses thèmes évoqués, il risque de ne pas attirer un large public.

Jay77
6
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le 3 nov. 2018

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Jay77

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