Le studio A24 a su depuis quelques années se créer une véritable réputation chez les cinéphiles et les cinéphages du monde. A Ghost Story s’impose presque déjà comme un futur film culte. Il faut dire que l’idée principale de par sa simplicité s’avère être une initiative plus qu’originale, revenant aux fondamentaux d’une histoire de fantôme : un drap blanc suffit à créer une dimension réaliste.

L’intention de David Lowery n’est pas d’effrayer ou de produire du spectacle, A Ghost Story est aux antipodes du cinéma américain pour tenter de raviver la flamme perdue d’un cinéma d’auteur qui peine à se faire une place au pays de l’oncle Sam.

Le travail effectué sur le cadre est remarquable, tout semble être millimétré de par son format exceptionnel en 1:17.
La photographie grisâtre renforce une atmosphère d’errance, à la fois douce et belle, mais froide. La justesse du montage se remarque dès que le film fait une rupture dans le temps, enchaînant retours en arrière, anticipations... le spectateur ne peut pas se sentir perdu.

Selon moi, là où réside la principale qualité du film c’est la relation qu’entretiennent C et M. (des noms sobres pour une histoire simples) Une relation qui continue après et avant la mort, empêchant le fantôme de passer de la vie au trépas. Certaines scènes sont très touchantes, comme celle chantée par Casey Affleck laissant comme il peut une trace dans un monde qu’il va quitter.

Le deuil est impossible pour C comme pour M, et pourtant, il faudra bien le faire.
La lenteur du film est significative puisqu’elle illustre la transition longue, trop longue avant d’obtenir la paix.
Le rythme posé et contemplatif peut se percevoir comme une qualité ou un défaut, tout dépendra de la patience de son spectateur.

Certaines scènes s’étirent, on pense tout de suite à ce plan séquence dans lequel Rooney Mara (excellente dans le film) dévore une tarte pendant près de 4 minutes à mesure que son défunt mari s’approche pour l’épier. La scène perd selon moi son intensité en une trentaine de secondes. On comprend rapidement où le réalisateur veut en venir.
C’est à se demander si le cinéaste prolonge volontairement des scènes dans le but de faire durer le long-métrage 1h30.

A Ghost Story comporte deux grandes parties dans son récit, la première partie s’achevant dès le départ de Rooney Mara. Il s’agit d’un départ nécessaire, impossible de rester bloquer éternellement dans le passé : car on ne peut pas revenir en arrière. La subtilité de la narration de la première partie est l’une des grandes qualités du film, chose qu’il va perdre dans sa seconde partie.

Dans la seconde partie, le fantôme qui s’accroche désespérément au souvenir de sa vie passé (symboliquement représenté par sa maison d’antan) voit le monde changer autour de lui drastiquement à mesure que les années passent. De facto, cette thématique n’est pas inintéressante. La douleur du fantôme est telle qu’il est condamné à errer pour des centaines d’années.

Ainsi, la séquence avec la famille mexicaine semble hors-sujet. Une séquence qui atteint son paroxysme lorsque le fantôme casse la vaisselle sur la famille. D’ailleurs, ce moment du récit ne fait que poser plus d’incohérences : qui peut voir le fantôme ? quand interagit-il avec le monde extérieur et pourquoi ?

Après le départ de la petite famille, la maison est désormais considérée comme hantée. C’est alors qu’on retrouve un personnage énigmatique, au beau milieu d’une fête, parlant de fin du monde et de réchauffement climatique. Ce plan-séquence, certes techniquement intéressant et plutôt bien interprété, présente de nombreuses limites.

Il contredit totalement la première partie tant ce passage est bavard pour ne rien dire. Le silence et la mise en scène en disaient déjà bien assez, pourquoi rajouter un monologue aussi pompeux ?
La fin du monologue tombe rapidement dans le cliché et le surjeu : insupportable.
Ce manque de subtilité se retrouve dès lors que la maison est détruite pour laisser place à des immeubles (ou bureaux).

Le retour dans le passé (Far West) aurait pu être un élément assez intéressant et intelligent, mais qui perd tout de suite son intérêt dès lors qu’on a les paroles du monologue en tête.
Je regrette aussi que A Ghost Story n’aie pas plus développer la relation avec l’autre fantôme.

En revanche, le film arrive à regagner sa splendeur dans le dernier quart d’heure, illustré par des flashbacks douloureux et ce mot trouvé, dont on ne connaîtra jamais le contenu mais qui offre enfin la paix souhaitée à cette âme en peine.

En dépit du twist final inutile et prévisible, en outre A Ghost Story est un cocktail d’émotions et de bonnes intentions qui ne peuvent pas laisser indifférents une fois qu’on accepte de s’y pencher tout du moins, en écho avec sa conclusion.
Aussi bien servi que desservi par sa lenteur, le long-métrage souffre de quelques problèmes de rythme à cause de certaines séquences trop étirées.

J’avoue qu’il m’aura fallu un rewatching pour trancher mon avis sur le film. Il s’avéra nécessaire lorsque je compris à mes dépends avoir loupé quelques aspects du film. Cependant, il ne suffira pas à me faire adorer A Ghost Story mais au moins à me faire comprendre pourquoi tant de monde pouvait l’aduler.

Dems
7
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le 28 juil. 2021

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