La deuxième semaine de festival commence et je enfin je vois un film asiatique, je commençais à m’inquiéter. Dohee-Ya, premier film de July Jung nous vient de Corée du Sud, terre chérie des cinéphiles. L’agent Lee est mutée loin de Séoul après avoir été impliquée dans une affaire de mœurs, elle se retrouve dans un petit village perdu où elle fait la connaissance de Dohee fille maltraitée par tout le monde et surtout par son beau-père.

Le film, en s’appuyant sur son personnage principal, joue sur la retenue et la sobriété. Les sentiments ne s’affichent que très peu et la communication entre les différents habitants du village est laconique. On est bien dans un film asiatique. Le sujet est pourtant assez dur, puisque sont traités le rejet de l’homosexualité dans la société coréenne, de la pédophilie et des enfants battus. Mais c’est avant tout autour du couple formé par la policière et sa jeune protégée que tourne l’ensemble du film. Toutes deux ont une facette obscure et sont marquées par les malheurs de la vie. Elles trouvent donc l’une dans l’autre un échappatoire à leur solitude jusqu’à ce que les problèmes commencent.

Dit comme ça, ça peut paraître être un film assez cliché, je vous le concède. Surtout qu’en effet, ça l’est. La cinéaste n’arrive pas à transcender son intrigue et reste collée à ce qu’elle veut raconter. Malheureusement, on voit venir les différents moments de l’intrigue à dix kilomètres et on s’intéresse assez peu au sort des personnages. Le flic muté alcoolique au passé trouble est quand même un topos du cinéma devenu insupportable, et rien dans le film ne justifie une nouvelle variation de ce thème. La mise en scène est en effet assez plate, et sert surtout à dérouler le fil convenu du scénario. On s’attendait à plus d’émotions, et de poésie dans le propos. Vainement.

C’est d’autant plus dommage que les acteurs sont convaincants. Les deux femmes notamment arrivent à faire preuve d’une certaine fragilité inquiétante sans trop en faire, et c’est appréciable surtout pour un sujet aussi lourd. C’est ce qu’on peut accorder à la cinéaste, le film est assez subtil dans son ton, et évite les scènes mélodramatiques ou tire-larmes. Mais il ne propose pas grand chose d’autre à la place…

Dohee-Ya est pourtant un personnage intéressant car très ambigu. Elle n’est pas seulement la petite fille battue et malheureuse, elle est aussi très mûre et sait profiter des autres. Mais là encore le traitement de la cinéaste n’est pas à la hauteur. Et ce qui aurait pu être un développement audacieux et inattendu de l’intrigue devient une sortie un peu maladroite voire malsaine. Sans trop en dire, aborder la pédophilie de ce point de vue est déjà assez risqué en soi (même Vinterberg n’a pas convaincu dans La Chasse) alors en plus quand le film est plat et ne prépare pas du tout à une réflexion de cette ampleur, ça ne peut qu’échouer. Dohee-Ya aurait pu être un personnage trouble et fascinant, la faiblesse de l’écriture la rend au contraire peu crédible.

En essayant de faire un film dur avec beaucoup de retenue, July Jung ne réussit ni à traiter convenablement son intrigue, ni à nous faire entrer en empathie avec ses personnages. Les acteurs très justes ne suffisent pas à sauver la mise. La fin audacieuse de l’intrigue devient alors dérangeante dans le mauvais sens du terme, car venue un peu de nulle part et achève de nous fâcher définitivement avec le film.
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le 20 mai 2014

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