A tous les enfants maltraités (no spoil)

A girl at my door représente ce que j'aime dans le cinéma. J'aime sentir que le réalisateur avait un message à me faire passer et qu'il a utilisé une caméra volontairement, parce que son message avait plus de sens avec ce canal.
De ce côté là, July Jung s'en sort très bien, Bien qu'il s'agissent de son premier film. Que ce soit au niveau du décors, de la caméra ou des actrices, je n'ai rien à redire. (Bae Doona semble être la seule actrice de Corée et j'ai parfois du mal avec son visage mono-expressif mais Kim Sae-Ron utilise magnifiquement bien son regard)


Si la forme est agréable et fait bien son travail, c'est pas la gestion de son histoire que je salue bien bas ce film. Il est plus ardu qu'il n'y paraît de parler de maltraitance. On tombe rapidement dans le cliché, le pathos vide ou le too much voyeurisme (que j'avais reproché à Poliss. Too much).
Or c'est tout en nuance et justesse que Jung nous propose son histoire. Doux quand il faut, terrible le reste du temps. Car ce film est horriblement dur dans sa finesse. Pas voyeurisme, pas excentrique. Utilement.


Dohee est une enfant sans mère, battue par son père et sa grand-mère, ainsi que par ses camarades de classes. Quand Young-nam apparaît dans sa vie comme étant la seule figure protectrice à laquelle s'accrocher, la jeune fille se jette dans ses bras et fera tout pour ne plus la quitter.
De son côté, Young-nam, dont le nom ressemble trop à « young man » pour que ce soit un hasard, se bat contre l'unique « jeune homme » de la ville. Celui qui dirige tout et tout le monde, qui se moque des lois et de la morale, qui frappe sa fille.
Tel deux faces d'une même personne, ils vont lutter l'un contre l'autre. Pour Dohee, pour la ville, pour la justice.
Si elle est clairement meilleure que le père de Dohee, Young-nam est loin d'être monolithique, bien au contraire. Femme taciturne, alcoolique, solitaire, elle est surtout un mystère à deviner tout au long du film. Que cache réellement cette femme dans son silence ? Est-elle si innocente que ça ? Loin de nous servir un twist alakon en fin de film, Young-nam montre une profondeur insondable qui me ravie et laisse place à l'interprétation.


Mais plus que ses personnages, July Jung pose les bonnes questions.
Jusqu'où un enfant est près à aller pour se sauver quand il se sent menacé ?
Jusqu'où une femme peut se mettre en danger/se sacrifier pour aider une jeune nécessiteuse ?
Est-ce que l'alcool excuse nos actes ?
Ce genre de choses.
Toute personne ayant vu ou été un enfant battu sait dans quel état étrange se trouve ces enfants. Ils se sont construits autour des coups qu'ils ont pris, pourtant, une petite voix en eux continue à appeler à l'aide, peu importe le moyen utilisé. Même quand son regard est devenu vitreux et froid comme une machine. Il se bat pour ne pas mourir. Pour ne pas mourir, nous sommes tous prêt à tout. Mais les adultes savent que ce qu'ils font pour s'en sortir les marque et les blesse et qu'il faudra vivre avec.


Pour revenir rapidement sur l'homosexualité de Young, c'est un fait qui n'est pas anodin et il est utile de le garder en tête quand on regarde ce film. Disons qu'on le comprend plus facilement. Je ne peux cependant pas trop en parler puisque ce fait n'est établi que tardivement dans le film et que, pour une fois, je n'ai pas envie de le spoiler. Non pas qu'il tienne sur un twist mais, plutôt, qu'il n'est pas nécessaire de gâcher la surprise de la narration.
Je dirais juste que le réalisateur est aussi très juste dans son discours.


Seul défaut de ce film, car il en faut bien un, je le pense opaque. Je me demande si quelqu'un qui ne connaît pas ce genre de situation peut comprendre la profondeur de son message. Particulièrement pour la fin. Ce n'est pas une fin ouverte mais … c'est une fin à ouvrir. Encore une fois, je ne veux pas trop en dire. Parfois, j'avais envie de pleurer en me demandant ce que les personnages allaient devenir après, parce que ce qui leur arrivait devait être si difficile que je n'arrivais qu'à peine à m'imaginer comment vivre avec.
Disons aussi que le film ne nous accompagne pas toujours et qu'il faut parfois lire entre les lignes, comprendre les regards. J'ai aussi eu la chance de le voir en vostfr, ce que je conseille. Le ton, la structure des phrases très répétitive apporte quelque chose de supplémentaire à l'histoire.
Donc je le conseille, mais je ne le conseille pas à n'importe qui.

EliseMarty
9
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Palmarès du "Fuck It,10" et en devenir (Films) et Les meilleurs films de 2014

Créée

le 15 janv. 2016

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EliseMarty

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