Difficile de savoir quoi penser de A.I. Intelligence Artificielle. Le film commence comme un drame d'anticipation, on prend nos marques dans la maison des Swinton. Mais A.I. Intelligence Artificielle est un film très instable, ce qui le rend très étrange sur le coup, mais c'est ce qui fait sa véritable force narrative.


Le film est à l'origine un projet de Stanley Kubrick, ce qui témoigne des ambitions énormes dont il fait preuve. S'inspirant directement de contes, et notamment Pinocchio, A.I. Intelligence Artificielle nous transporte dans un futur fantasmé au sein duquel un robot souhaite devenir un véritable humain pour bénéficier de l'amour de sa mère. Beaucoup de questions sont soulevées, de manière très pertinente.


Le déroulement du film est anticipé par une protagoniste qui se demande, alors que tout le monde débat de la capacité du robot à aimer, si un humain est capable d'aimer de manière authentique une intelligence artificielle (ce que Her remettra en cause plus tard, d'une toute autre manière). La réponse du film en soulève alors d'autres : l'intelligence que l'on a créée fait preuve d'une volonté, d'une honnêteté, d'un amour, d'une détermination et d'une sagesse à toute épreuve ; a-t-on réussi à créer un robot finalement plus humain que nous ?


Mais au moment où on a pris nos marques dans le film, la péripétie tirée du conte Hansel et Gretel permet au film de nous offrir une vision élargie de cet univers d'anticipation. On découvre alors ce monde futuriste dans lequel les robots occupent une place importante. Ils sont utilisés à des fins diverses, ils sont traqués, mis en cage, massacrés en public. A.I. Intelligence Artificielle devient alors pleinement un film de science-fiction et d'aventure, ce que le postulat de départ ne sous-entendait pas.


Mais le film souffre énormément de ses ambitions. Un tel scénario a du mal à tenir dans deux heures vingt, et la partie aventure est parfois très faible, en raison de son inconstance et même de ses incohérences scénaristiques.


Certains retournements de situations ou évènements sont à mes yeux très douteux. L'entièreté du public destructeur de robot se rebelle au moment de tuer notre personnage, qui va ensuite à Manhattan grâce à une logique qui m'échappe, et trouve la fée bleue dans les eaux profondes, allez savoir pourquoi. A la rigueur, je tolère les aliens, dont l'arrivée inopinée reste bien mieux traitée que dans Le Royaume du Crâne de Cristal.


Mais malgré de nombreux faux pas et bizarreries... Ça fonctionne. Les réflexions sont fortes et toujours très adroites, Haley Joel Osment nous offre à nouveau un rôle infantile immense après sa prestation dans Sixième Sens, il y a même quelques passages plutôt émouvants, et malgré ses instabilités le film ne perd pas de vue ses objectifs. J'ai parfois décroché, mais le film a toujours réussi à me récupérer.


Je comprends que A.I. Intelligence Artificielle passionne certains, tout comme je comprends qu'il y ait des réfractaires. Il s'agit sûrement d'un des projets les plus ambitieux et inégaux de Spielberg, un film dans lequel il trébuche sans jamais tomber.

Monsieur_Cintre
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le 23 août 2020

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Monsieur_Cintre

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