Impossible de ne pas apercevoir dans ce film le rôle majeur de Satnley Kubrick, de la patte artistique indéniable jusqu'à la discrète dédicace de Steven Spielberg à la fin du générique. La reprise tardive du projet de Kubrick par le cinéaste en 1995 aura sans doute le mérite d'en conserver l'essence, quitte à chambouler son style. Mais il est difficile de voir dans A.I. un film de Spielberg. Le rythme lent, l'ambiance souvent introspective et les dialogues redondants parlent d'eux mêmes. Et je ne m'étais surtout jamais ennuyé dans un film de Spielberg, quel qu'il soit.

Bon, je ne suis pas spécialement fan de Kubrick, je dois confesser ça. J'ai adoré Full Metal Jacket, et globalement 2001, l'Odyssée de l'Espace, mais c'est à peu près tout.
Disons qu'au risque de froisser les fans de Kubrick, je n'ai que peu d'affinité avec ce que je considère comme un conglomérat de flou artistique. À quelques exceptions près, je trouve que les plans sont souvent étirés jusqu'à l'indigestion, que les dialogues sont mal développés et / ou inutiles, et que l'histoire est souvent trop inégale dans son écriture pour que ses films soient captivants.
En tout cas ce que j'ai vu ici me conforte dans mon idée. Spielberg aura eu la délicatesse de prolonger le matériau légué par Kubrick en 1995 en le dénaturant le moins possible.
Soit.
Mais je trouve malheureusement que ce film est un beau gâchis, car il survole plus qu'il ne développe les thématiques grinçantes d'une SF de qualité, souvent reflet indirect d'une société malade ou tiraillée par ses névroses. On retrouve par exemple: la peur du mixage ethnique, les persécutions raciales, l'eugénisme, la diabolisation de la technologie et les contrastes qui vont avec.
Mais là où des K. Dick, Aldous Huxley ou Orwell appuyaient avec insistance sur leurs sujets avec des histoires cohérentes et étoffées, ici on sent constamment les lacunes du scénario. Il est plein de trous, d'ellipses, d'imprécisions et de longueurs qui rendent pénible la séance de plus de deux heures. L'idée de départ est issue d'une nouvelle épaisse d'une dizaine de page. C'était trop mince ?
Peut être.
Vous embauchez des super acteurs pour les rôles clés ? Jude Law et Halley Joel Osment ? Ils sont crédibles, c'est un fait. Ils portent littéralement le film de mon point de vue.
Mais Spielberg a retravaillé le scénario avec un scénariste. Et pourtant aucune des trois parties n'est vraiment captivante, le film se contentant de dérouler une trame insipide dans un cadre plutôt grossier. (Tout en survolant ces fameuses thématiques)
Dans les grandes lignes, vous avez donc:
Une première partie maladroite, calquée rapidement sur la théorie de "La Vallée dérangeante" de Masahiro Mori, (qui veux que plus le robot ressemble à un humain, plus ses imperfections vous semblent hideuses) une seconde partie basée sur une chasse à l'homme aussi haletante qu'une partie de pêche dans l'étang du coin, suivie par un final dans le style de rencontre du troisième type, mais sans les synthétiseurs et les lumières rigolotes.
Mouais.
Quand au contenu, Kubrick s'est attardé malheureusement sur des dialogues lénifiants et mielleux, ce qui ruine tout le potentiel subversif de départ et le peu d'action qu'on rencontre. Tout les pics d'intensités sont lissés et arrivent comme des cheveux sur la soupe, à l'instar de ce que j'interprète comme la vengeance d'un prétendant éconduit, pour le meurtre de la cliente de Gigolo Joe, au début de la seconde partie du film.
Mais surtout avec le jeu pervers qui s'installe brièvement entre Martin (le fils naturel des parents adoptif du jeune robot) et David, (l'enfant robot, donc) dans la première partie. C'est la plus significative à mon sens, car elle révélatrice des lacunes du scénario. Tout arrive brutalement, sans aucune subtilité. Je pense en particulier au réveil de Martin, qui pourtant était mal barré trente minutes plus tôt. Il faut un contraste, un pic narratif ? Pas de problème, je viens de tailler de gros sabots ma petite dame !
Ajoutez à cela le jeu d'acteur catastrophique des deux parents, (Frances O'Connor en particulier dans son rôle de Monica), et vous pouvez envisager sérieusement de faire se balancer une corde sur la poutre apparente de votre salon.

Au final, je n'ai donc pas apprécié ce film, car tout son potentiel subversif a fichu le camp avec l'eau de la cuisson. Ne reste qu'une SF bas de gamme faite de dialogues qui n'auraient pas à rougir dans plus belle la vie, et deux acteurs qui relèvent le niveau tant bien que mal. C'est faible. Et ça pique les yeux.
amjj88
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le 25 oct. 2014

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amjj88

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