A. I. est un film de Steven Spielberg sorti en 2001 et adapté d’une nouvelle de Brian Aldiss intitulée Les Supertoys durent tout l'été, à partir d’une idée de Stanley Kubrick. Le récit se déroule dans un futur où les robots ressemblants aux êtres humains sont très présents dans la société. La seule différence majeure qui perdure avec leurs créateurs est qu’ils n’ont pas de sentiments, même s’ils peuvent les simuler. Un prototype d’une nouvelle génération programmé pour aimer est alors introduit auprès d’un couple, afin de remplacer leur fils plongé dans le coma.
Ce début de scénario simple mais terriblement efficace permet d’aborder de façon très concrète des problématiques aussi fortes que la définition de l’humanité, comme cela avait été le cas par exemple dans le génial Blade Runner de Ridley Scott, lui aussi inspiré d’une nouvelle de science-fiction. A ce titre le début est prometteur. L’introduction de ce nouveau membre de la famille ne se fait pas sans mal, étant donné le profond sentiment de malaise qu’il provoque. La succession de scènes de la vie quotidienne, par exemple les repas en famille, nous fait nous interroger : s’agit-il d’un petit garçon comme son apparence le suggère ou bien d’un robot ? Cette impression malsaine est accentuée par le comportement de l’androïde bien souvent en décalage avec des situations qu’il ne comprend pas et qui amène peu à peu les membres de la famille à le rejeter, jusqu’à l’exclusion finale.
A ce moment là apparait une rupture très nette. Fin du projet original ou plus probablement de la nouvelle ? Toujours est-il que l’on passe d’un récit très dérangeant et parfaitement maîtrisé à… un film grand public. D’un Kubrick à un Spielberg en quelque sorte. Lâché en pleine forêt avec pour seul compagnon un robot jouet ressemblant furieusement à la peluche de Ted (sorti en 2012) la grossièreté en moins, l’enfant se met alors en tête de retrouver la Fée Bleue du conte Pinocchio afin de devenir un vrai petit garçon. Un peu surpris mais encouragé par le début on est tenté de jouer le jeu… Las ! Les scènes suivantes malgré une débauche d’effets spéciaux montrent clairement que l’instant de grâce est passé. L’apparition de Jude Law en robot gigolo laissait augurer nouveau départ, mais ce personnage excentrique par ailleurs assez réussi ne sert finalement que de décoration.
Le créateur de E.T. a beau accumuler les inventions et les recyclages de ses thèmes de prédilection, faute de fil directeur le film commence une longue dégénérescence et comme le protagoniste du roman de science-fiction Des fleurs pour Algernon, devient de moins en moins intelligent. Il peut être utile de préciser que contrairement à certains critiques, je n’avais jusque-là rien contre Spielberg, au contraire : j’ai adoré les Indiana Jones (pas le dernier quand même), j’ai pleuré comme tout le monde devant La liste de Schindler et plus récemment j’ai même apprécié Le Terminal ainsi que La guerre des mondes. Pourtant, la vision d’A.I. a suffi pour me convaincre qu’il ne s’agit pas d’un grand cinéaste, à tel point son incompréhension de ce qu’il a lui-même tourné au début du film (probablement à partir des notes de Kubrick) est flagrante.
La deuxième partie est donc très en dessous de la première, mais encore regardable pour peu qu’on ne soit pas trop difficile, puis alors que l’histoire se dirige tant bien que mal vers une conclusion naturelle, une succession cinq ou six fins chacune plus aberrante que la précédente laisse clairement l’impression que le scénariste s’est fait la malle à l’entracte. Le spectateur lui, s’il est toujours en vie, a entamé depuis longtemps sa deuxième bouteille de whiskey. C’est seulement au bout de 2h26 qu’il sera libéré et que s’inscrit enfin sur l’écran : « En hommage à Stanley Kubrick ». Le pauvre n’en demandait pas tant.

LecteurAzerty
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le 22 janv. 2016

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LecteurAzerty

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