Cette semaine les critiques avaient raison. Ils nous sommaient de nous rendre séance tenante admirer "A Touch of Sin" film chinois dont la sortie semble de plus en plus compromise dans son pays. Le résumé du scénario qui court dans les gazettes laissait entrevoir un film violent et un peu primaire : je suis en colère et je tue les méchants. Réduction tout à fait simpliste au regard de ce qui est sur l'écran.
La violence est tout à fait présente, omniprésente même, durant les deux heures et quart de projection. Violence physique mais surtout psychologique tant les différents personnages de ces quatre destins dans la Chine libérale d'aujourd'hui sont englués dans un quotidien fait de corruption, de mépris, de misère sociale et d'intolérance. En racontant le parcours de quatre citoyens chinois qui ont été les héros/victimes de faits divers sordides, Jia Zhang-Ke dresse un portrait impitoyable de la Chine actuelle gangrenée par la corruption, le fric roi et les illusions fatales d'un progrès économique qui ne profite qu'à quelques uns. Il nous montre une société prête à exploser. Pour le moment ce ne sont que quelques éclats sporadiques. Mais cet ouvrier minier, ce jeune père obligé de s'exiler pour travailler, cette réceptionniste de sauna ou cet adolescent privé de la moindre attention sont les figures symboliques d'un état de violence latente qui risque de se transformer en guerre civile.
On pourrait reprocher aux personnages de se livrer gratuitement à leurs instincts meurtriers, mais c'est sans compter le talent du réalisateur qui, ici, fait vraiment oeuvre de cinéaste. La violence qui apparaît un peu gratuite lors du premier récit, se trouve au fur et à mesure, grâce à une narration tout en nuances, non pas justifiée mais expliquée par la pression palpable que subissent les personnages, se trouvant acculés devant un mur infranchissable. La seule solution qu'il leur reste c'est de périr ou de se battre...
Ce film a obtenu au dernier festival de Cannes le prix du scénario, alors qu'à mon avis le prix de la mise en scène lui aurait mieux sied. Ce que l'on voit à l'écran est tout simplement magnifique. Une succession de plans admirables, tantôt graphiques, utilisant les contrastes de couleur avec art, tantôt intimistes, traquant le moindre frémissement, la plus infime expression, bien plus signifiants qu'un long dialogue. Et comme nous sommes dans l'oeuvre d'un vrai cinéaste, les références sont multiples et posées avec finesse. Le côté western de la première partie précède un discret hommage aux films de sabres chinois (ou le Tarantino de Kill Bill) un peu plus loin.
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pilyen
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le 15 déc. 2013

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pilyen

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