Tout d'abord, soyons honnêtes: j'ai aimé ce film. Il est très spontané, drôle, rythmé comme j'aime, inventif et le rapport entre la musique et l'image est absolument délicieux. Je lui ai mis 7, donc j'ai aimé.
Les personnages: Michel, interprété par Bébel, un odieux connard miso qui reste tendre, et Patricia (Jean Seberg) une femme totalement osef qui est là juste parce qu'elle est jolie, qui répond toujours de manière innocente et déplacée. Jusque là, ça me fait sourire, rire, tant ces personnages sont à la fois comiques par leur aspect caricatural et touchant lorsqu'ils sont sincères (Michel sait être tendre et Patricia arrive parfois à exprimer ses désirs).


Mais, aujourd'hui, il y a certaines choses qui ne passent plus.
Ce que je vais dire ne remet absolument pas en question la qualité du film. Ce que je vais dire doit servir à aiguiser notre œil, à nous rendre plus malin et à se poser les bonnes questions, car au cinéma, il y a certains comportements qui ne doivent plus passer comme "normaux".
Ces comportements on les retrouve énormément dans les films et dans la littérature, et sont inconsciemment intégrés par beaucoup de femmes et d'hommes. Dans A bout de Souffle, ce qui ressort et qui est présent dans vraiment beaucoup d’œuvres c'est le fameux "non ça veut dire oui". Parce que le personnage de Bébel, on a bien compris qu'il tenait des propos sexistes, qu'il soulevait les jupes des filles par surprise, et ça, faut quand même être assez tordu pour dire "mais c’est génial, quel modèle, je suis sûr que c'est ça qui plaît aux femmes !". C'est un personnage, ça fait partie de sa caractérisation, on a compris, pour moi le problème n'est pas du tout là.


Le problème survient dans la scène de la chambre. Michel s'introduit chez elle (CREPPY), et la harcèle pendant toute la scène pour savoir si elle veut coucher avec lui.
Mais je le comprends enfin, qu'est ce qu'elle a à ne pas dire oui ?


(humour)


Car en effet, c’est là le problème: elle évite, ne dit pas clairement "non" mais ne semble pas pour autant d'accord. Mais si, je vous assure, si on est un peu malin, on se rend bien compte qu'elle est pas chaude chaude la Patti (elle va à la fenêtre, lui lit un livre, l'évite, change de sujet... Moi si Bébel me dit ça je dis OUI DIRECT FRERO, donc clairement elle est pas chaude). Sauf qu'à la fin de la scène, après lui avoir dit 123402 fois de coucher avec elle, après avoir essayé de lui enlever ses vêtements alors qu'elle préfère détourner son attention en lui lisant du Faulkner (pas très efficace j'ai déjà essayé...), elle couche avec lui.


Alors qu'est ce que ça raconte ?


Ben ça nous dit que, avec une femme pour avoir ce qu'on veut, faut forcer crévindiou ! Patricia en est la preuve même, si elle disait non, c'était par timidité, en fait elle voulait bien puisqu'elle l'a fait ! Et le fait de forcer un peu, bah ça lui a détendu la chatte et elle a dit oui au beau Michel. Donc les nanas, quand elles disent non, bah ça veut dire oui. Que après tout Michel, c'est un bon connard, mais il a la CLASSE parce que lui, il obtient ce qu'il veut.


Et ça c'est ni justifié par la caractérisation des personnages, (tu peux être lâche et dire non) ni par le scénario, ni par RIEN. C'est juste un mécanisme intégré depuis longtemps, qu'on replace, comme si on filmait une scène de repas en commençant par l'entrée et en finissant par le dessert, logique quoi. Eh bien ce genre de rapport, pour Jean-Luc Godard comme pour plein de cinéastes, ce sont des rapports LOGIQUES. Ce ne sont pas les réflexions misogynes de Michel ou l'inactivité de Patricia qui me choquent, puisque ça fait partie des personnages, mais c'est bien ce genre de scènes qui passent comme une lettre à la poste alors qu'en fait ça s'appelle la culture du viol les enfants. Si le mot culture du viol vous paraît trop CHOQUANT ("bawi il l'a pas forcée, il ne l'a pas frappée, il ne l'a pas menacée de mort hihihihii enfin Lou retourne faire la vaisselle !"), documentez vous, allez voir vraiment ce que ça veut dire, regardez le film à nouveau (déjà parce que c'est un excellent film), et regardez cette scène avec un œil plus aiguisé.


J'espère que cette critique vous a donné envie d'en savoir plus sur ce que c'est que a culture du viol, de comment la repérer sans pour autant blâmer les chefs d’œuvres (Naissance d'une nation a fondé les grandes caractéristiques du cinéma, et pourtant c'est un film raciste), l'idée c'est qu'on arrive petit à petit à décrypter tout ça pour qu'on change nos comportements (les gars comme les filles) et qu'on fasse des films sans être obligés de véhiculer ce genre d'idées. Et surtout j'espère que cette critique vous a donné envie de (re)voir A bout de souffle qui est, je le répète, un excellent film.


Des bisous les amis, on peut débattre avec moi dans les commentaires, mais on reste à l'écoute et on fait preuve de respect.

LouHoward
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le 19 févr. 2017

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Lou Howard

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