J’adore le cinéma de Guillaume Brac ! C'est tout un art qui puise la ferveur de l’été depuis Contes de juillet en 2017, jusqu'aux rencontres et ses hasards, pour enfin atteindre le désir et l'amour. C'est un cinéma revigorant qui entrecroiserait le soleil d’un Rohmer, la fougue estivale d’un Jacques Rozier et la malice d’un Jean Renoir (entre Partie de campagne et Le Déjeuner sur l’herbe). Avec À l'abordage, son dernier film directement sorti sur Arte, Guillaume Brac vient directement prolonger le sentier des vacances déjà magnifié par Contes de juillet et le fabuleux L’Ile au trésor. Mais ici, Guillaume Brac vient approcher une formule qui manquait peut-être à son cinéma : la comédie. Au-delà d'être un film superbement solaire et vivant, À l'abordage s'avère terriblement drôle ! Il y'a un plaisir fou à suivre ces trois galériens partants directement à l'abordage des vacances et de ses hasards, comme des pirates en quête d'or. Si tout ce récit commence par une volonté de faire une surprise à une jeune femme rencontrée bien plus tôt sur Paris, À l'abordage étend rapidement son chemin des possibles, invitant de nouveaux personnages et de nouvelles histoires. Si certains échoueront, d'autres réussiront. Si certains s'émanciperont, d'autres resteront cloitrés. Il y'a alors comme une question de vitalité et de rapport à sa propre personne dans ce périple ! Il y'a de la vie !


Il a toujours été convenu que le personnage type de chez Guillaume Brac est un véritable galérien, tiraillé par une timidité qui cacherait une pierre précieuse : Vincent Macaigne dans Un monde sans femmes et Tonnerre; le personnage de Lucie (Lucie Grunstein) qui s'extirpe de l'ombre faite par son amie pour enfin voguer vers le coup de foudre dans Contes de juillet. C'est ainsi, dans cette loi dirigée par comme un petit bateau par Guillaume Brac, que les trois personnages de À l'abordage s'affirment : si c'est bien Félix (Eric Nantchouang) qui mène la danse pour retrouver son amour d'un soir, Chérif (Sallif Cissé) et Edouard (Edouard Sulpice) sont quant à eux ces fameuses roches qui renferment la lumière. Ces personnages discrets, semés dans l'œuvre de Guillaume Brac, qui tiennent en eux toute une envie de liberté et d'aimer. Elle est en eux la lumière, autant dans les moments difficiles (un Félix au regard détaché du monde qui comprend par téléphone l'énervement de Alma face à ce débarquement surprise) que dans des moments plus sublimes (le doux réveil de Chérif auprès de Héléna, l'amour qu'il croyait impossible; un rapide enlacement forgeur de pardon entre Félix et Alma; la superbe libération de Edouard lors du karaoké).


Dans À l'abordage, les personnages vont et viennent ! Si c'est un jeu des rencontres, tout cela ressemblerait surtout à un jeu des hasards. L'utilisation des paysages es d'ailleurs tout aussi fascinant. Guillaume Brac transforme ces espaces naturels en de véritable terrain de conquête. On le voyait déjà très bien avec L'Ile au trésor en 2018 : l'île de loisirs de Cergy-Pontoise se métamorphose en une carte à conquérir, colonisant tour à tour les petites iles, les pyramides sur l'eau et les petits coins de paradis. À l'abordage invite pour sa part à se réveiller au bord d'une rivière au doux sons d'une guitare, à partir en périple le long de cette même rivière pour tenter - un tant soit peu - de colmater les fissures amoureuses, ... . À l'abordage respire l'été et la liberté ! Toute la force du cinéma de Guillaume Brac serait bel et bien dans cette alternance entre un naturalisme et une théâtralité des moments. Les acteurs jouent ainsi pour beaucoup. C'est un cinéma qui se joue à coup de hasard, de passion et de soleil. À l'abordage s'affirme avec brio comme une invitation drôle et chaleureuse vers des vacances remplies d'une perpétuelle et insouciante beauté !

RemiSavaton
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le 22 mai 2021

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Rémi Savaton

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